Éric Chassefière a participé au Festival de poésie de la foi de Montpellier et alentours. Il a présenté son recueil « Le jardin est visage », le vendredi 21 mars à 17h. Voici le texte de son interview par Jacqueline Assaël.
Éric Chassefière (Photographie de Michel Brunet)
On aborde forcément votre recueil en premier lieu à travers la très belle formule de son titre: « Le jardin est visage ». En elle-même, cette expression suggère une forme de symbolisme. Est-il question d’un reflet entre la nature et l’humain?
Oui, je pense qu’on peut dire cela. Je n’analyse pas quand j’écris, je m’assieds et je me laisse pénétrer par le paysage en sorte que c’est le paysage qui finit par parler à travers moi. L’écriture est alors acte d’écoute plus que de parole. Et là, c’est peut-être en effet le jardin qui me parle, non seulement par sa voix, mais à travers tous les traits du visage qui s’en dessine dans le miroir de l’humain. Le jardin en quelque sorte se fait miroir, reflétant en l’enrichissant des mille couleurs de la mémoire le visage d’aujourd’hui, qui se fait visage de toute une vie. Une vie de jardin à jardin, car je suis né littéralement dans un jardin, celui du mas provençal de ma prime enfance enchanté de mistral, et m’installant à Frontignan, après une vie passée à Paris, un nouveau jardin, mais toujours habité du même mistral, qui lui prélude à l’accomplissement final. Le jardin qui clôt, et ouvre en même temps. Une redécouverte en quelque sorte.
Ceux qui vont découvrir votre recueil, par exemple lors du Festival de poésie de la foi de Montpellier, doivent-ils s’attendre, de la part de l’auteur, à une simple évocation de la nature ou, aussi, à une sorte de méditation intérieure sur l’évolution de sa propre personnalité et donc de son propre être, s’il est vrai, comme le dit Camus, « qu’après un certain âge, tout homme est responsable de son visage »? (Nous verrons ensuite, je crois, que du temps s’écoule au long de l’écriture, c’est pourquoi je m’autorisais cette idée d’évolution. Vous nous direz si elle est pertinente.)
C’est vrai qu’avec l’âge venant, et la santé étant heureusement toujours là, et par ailleurs ayant changé de monde, puisque la retraite arrivant je suis passé du monde de la recherche en sciences dures à celui de l’écriture poétique, je me trouve dans une nouvelle configuration, libéré des contraintes du quotidien professionnel, à me chercher un nouveau visage, celui de qui contemple la beauté. C’est ce visage-là dont je me sens responsable, ce visage reflétant la beauté qu’il contemple, celle de ce jardin notamment, mais pas uniquement, celle aussi des personnes qui m’entourent. Je suis clairement dans une quête de beauté et d’amour, c’est cette quête je crois, quête de soi-même et de l’autre à travers soi-même, qui constitue le fil conducteur de Le jardin est visage. Il y a bien me semble-t-il cette idée d’évolution que vous mentionnez. Une nouvelle jeunesse à rejoindre, dirais-je, en sorte d’accomplir une vie, en devenir la courbe, naître et mourir d’un même geste. Un but quelque peu idéal bien sûr, mais qui au moins constitue un guide dans cette dernière partie de ma vie.
Et si le jardin n’est pas seulement nature, mais aussi culture, puisqu’il « faut cultiver notre jardin », est-ce que le déploiement de l’ensemble du recueil esquisse la progression d’un travail sur soi-même, ne serait-ce que pour parvenir à une connaissance de soi?
Oui absolument, c’est ce que je viens de décrire. C’est une nouvelle amitié avec le monde que je voudrais savoir installer et cultiver. Une connaissance de soi ? Je ne sais pas trop. Ce n’est pas tellement à me connaître mieux que je voudrais employer mes forces, car peut-on jamais se connaître dans sa complexité, et d’ailleurs à quoi cela servirait-il, plutôt à infléchir mon rapport au monde dans le sens de plus de bonheur, plus de joie d’être au monde. Je crois en la beauté, et au pouvoir des mots pour en rehausser l’intensité, tout comme en voyage écrire des poèmes confère aux lieux visités une beauté qu’ils n’avaient pas naturellement. Cultiver les mots comme on cultive un jardin, pour que les fleurs en soient plus belles.
Pour des Chrétiens, la contemplation du Visage, correspond à un effort de correspondance avec l’image du Christ. On le voit notamment dans un passage quasiment mystique de l’Épître de Jacques, dans le Nouveau Testament, où l’auteur dépeint le croyant comme quelqu’un qui contemple son visage originel dans un miroir et cherche à s’y fondre » (1, 23-25).
J’ai la religion de la beauté, c’est ce que j’essaie de toucher par l’écriture poétique. C’est dans ce sens peut-être que je suis « croyant », quelqu’un en effet qui contemple son visage originel dans un miroir – le jardin – et cherche à s’y fondre, faire Un en quelque sorte avec la Vie. Car la poésie, c’est la vie n’est-ce pas ? Et c’est bien la raison pour laquelle j’ai accepté votre invitation à ce festival, moi qui profondément ne crois pas en Dieu.
Je crois qu’on peut dire, que dans votre écriture, un recueil de poésie se déploie comme une construction globale. Il ne s’agit pas simplement de lire des pages détachées. Dans ce cas, comme vous avez attiré mon attention sur le nombre de poèmes contenu dans votre recueil et que vous signalez dans plusieurs interviews qu’il se compose de cinquante textes, ce nombre a-t-il une signification particulière pour vous, réalisant en quelque sorte la complétude d’une démarche poétique ? Chez Pythagore ce nombre met en relation le Microcosme et le Macrocosme, or certaines de vos interviews montrent qu’il s’agit là d’un thème qui vous est cher (« mais c’est vrai que dans ma poésie, je fais de l’arbre un cosmos, de l’infiniment petit un infiniment grand » Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret, pour lelitteraire.com, le 10 août 2024); par ailleurs, dans la kabbale, il est question des cinquante portes de l’intelligence; dans la Bible ce chiffre est celui de la joie et de la fête; dans les mythes antiques celui de l’abondance et de la prospérité… Est-ce que l’attention à cette construction de votre recueil peut enrichir la lecture en nous incitant à déceler dans chaque texte une porte vers le sens du monde ou dans chaque poème une représentation condensée de l’infini de l’univers ?
Le nombre de 50 est fortuit, lié à la contrainte des 32 pages au format A5 pour Encres Vives. Aucune intention donc.
Pour situer encore votre démarche d’écriture, sur un autre plan, par des indications biographiques, ai-je bien lu vos interviews en comprenant que le jardin en question est celui d’un mas familial où vous vous êtes ressourcé tout au long de votre jeunesse en particulier ?
Non, ce jardin est le nouveau jardin, pas celui de naissance, mais il est vrai que je tente ici, comme je l’ai dit, la fusion de ces deux jardins.
Pour éclairer indirectement les textes, peut-être pouvez-vous développer l’idée d’un écho ou d’une influence entre l’œuvre d’Andreï Tarkovski et ce recueil qui lui est dédié. Vous faites souvent référence, en particulier, au film Le Miroir. Pour ceux qui ne le connaissent pas, pouvez-vous expliquer quelles émotions particulières il suscite en vous et ce que nous pouvons peut-être en retrouver ou ce que vous aimeriez que nous en retrouvions dans votre recueil?
J’ai découvert ce film il y a longtemps, à sa sortie, et ne l’ai pas revu récemment. J’en garde plus des impressions que des souvenirs précis. Il a pour moi incarné la révélation du mystère de l’être, sur le fond de la musique de la Passion selon Saint-Jean de Jean-Sébastien Bach, une musique qui m’a toujours fait frémir. Pasolini aussi utilise la musique des passions de Bach, dans Accatone par exemple, une musique pour moi réellement cosmique, qui transcende le temps et l’espace. Les films de Tarkovski, et celui-ci en particulier, sont un miroir dans lequel on est susceptible de se découvrir soi-même, à la façon de ce jardin aux traits patiemment éclaircis qui constitue la trame de mon recueil. Beaucoup d’images fortes dans ce film, la présence du vent, comme cette vague de l’herbe d’été accompagnant vers le début le pas du médecin arrivant dans la propriété, ou de ces objets renversés sur la table du jardin, tandis qu’une main invisible – celle de l’ange ?- semblent venir effleurer la haie, la pénombre baignant la maison d’enfance, la carafe de lait renversée sur la table, dans la pénombre, blanc sur noir, le visage de l’enfant dans le miroir se muant en un autre, le visage aimé si je me souviens bien, cette façon de filmer, comme au ralenti, une façon peut-être de faire ressortir la profondeur de la mémoire ; quelquefois d’ailleurs les temps se rejoignent si je me souviens bien, la fille rencontre dans un jardin la mère qu’elle sera. Tout dans ce film est à la fois de l’ordre du souvenir et de la prémonition. On est comme hors du temps, on voit dans le miroir sa vie dans son entier. Et les poèmes d’Arseni Tarkovski, lus par son fils, renforcent encore le mystère.
À propos de la composition du recueil, je m’interrogeais sur la possibilité de considérer chaque poème comme une porte sur l’intelligence du sens. En même temps, si l’on observe les textes, on voit qu’ils reprennent souvent les mêmes éléments: lumière, substance des feuilles, murmure d’un oiseau, etc., avec des changements quasiment insensibles, comme des glissements qui font néanmoins avancer dans le temps. Pourrait-on dire que vous procédez en quelque sorte par tuillage pour suggérer une espèce de permanence des formes essentielles du monde?
Il y a bien dans ces poèmes l’idée d’une permanence, d’une nature s’auto-engendrant, dont je tente de traduire par la luxuriance des mots et leur répétition l’incessante métamorphose en elle-même. Je ne sais si cela répondra précisément à la question, mais cela me donne envie de vous lire un extrait de la chronique, intitulée : « Le jardin est visage, ou la rumeur du monde », consacrée à mon recueil sur le site de L’altérité par Hervé Rostagnat, où il est question de Dieu et du grand Tout :
« Dans « Le jardin est visage », tout est questionnement. La beauté du jardin est métaphore du cosmos, profond comme la fleur à moins que la fleur n’en soit la représentation microcosmique. Le jardin est corps. Il est yeux, mains, lèvres, peau, cœur, sang. Il est la beauté. Il est l’indicible. Et comment traduire l’indicible autrement qu’en cherchant Dieu ? Mais le Dieu d’Éric Chassefière est substance. Appartenir au monde en cette fusion c’est être le monde. Le jardin est nature. L’homme est nature. Nul artefact. Nulle production. Le jardin et l’homme sont substance au sens où ils ne sont le produit de rien, ils ne sont le produit d’aucune intervention extérieure puisqu’une substance est précisément ce qui est en soi et est conçu par soi. L’être est jardin. Le jardin est l’être. L’oiseau nait del’arbre et l’arbre de l’oiseau. Dieu est substance au sens où nul ne peut dire que Dieu est une création de l’univers ni que Dieu a créé l’univers. Dieu ne provient de rien.
Ainsi peut-on dire qu’il n’y a rien de transcendantal dans la poésie d’Éric Chassefière. Tout est immanence : « immanence de la source… immanence de ce chant… tout se cache en tout… tout vient s’y lire en tout ». Les 55 occurrences du mot « tout » suffisent à montrer, combien dans cet englobement, la nature s’engendre d’elle-même. Elle est incréée. L’Être n’est-il pas alors que dans cette contemplation ? Dans ce questionnement permanent, le poète considère : étymologiquement, il a le nez dans les étoiles. Il y a quelque chose de sidéral dans cette attention qui constitue une forme d’ontologie de l’homme, une sorte d’ontologie extrême au sens où il n’y a d’homme que s’il y a cette extrême attention. »
D’Homère à Jean-Jacques Rousseau, par exemple, l’évocation du jardin devient un topos littéraire visant à célébrer les délices de la nature et un lieu d’accomplissement possible de l’humain. Votre jardin est-il paradisiaque? En quel sens? Celui d’une spiritualité matérialiste? Je pense par exemple à l’expression: « comme la substance brille de soi » (p. 3).
Je vous rejoins sur cette idée d’une spiritualité matérialiste. Je cherche par les mots à caresser, ma démarche est sensuelle, proche du corps et plus généralement de la substance. Le jardin est corps, le poème est corps. Corps que je fais corps de mots sur la page. Il s’agit bien de toucher par les mots, donner vie du geste de toucher, finalité ultime de celui d’écrire. En cela le geste d’écrire est pour moi fondateur. J’ai écrit, dans un entretien avec Clara Régy, qui date de quelques années :
« La poésie est avant tout pour moi un acte de vie. J’ai besoin d’écrire pour me sentir vivant, tisser un lien charnel avec le monde. Un désir d’appartenance, qu’on pourrait qualifier d’amoureux. J’ai longtemps écrit exclusivement dans la nature, l’été, sur le lieu d’enfance, submergé par le sentiment d’une beauté dépassant mon entendement, que par les mots je tentais d’atteindre et me réapproprier. Il y avait déjà ce plaisir sensuel à faire naitre les mots du corps, de sa vibration profonde, faire corps du poème, entendre et ressentir à travers lui. C’est ainsi qu’est né mon désir d’écrire, retrouver sous la caresse des mots l’enfance perdue, mon jardin d’Eden. »
Il y a donc bien une aspiration à retrouver un paradis perdu, vous avez vu juste, et peut-être ce recueil vient-il précisément concrétiser, voire accomplir, cette aspiration à retrouver une origine, à en faire le berceau d’une vie nouvelle, réunifiée, qui nous place en situation d’accueillir la mort, entrer dans ce jardin, « dont l’ange a refermé les portes sans retour », pour reprendre le final du poème de Bonnefoy placé en exergue.
Pourquoi le jardin est-il en général symbole de la sécurité? Pour vous, s’agit-il d’un lieu clos ou ouvert sur le monde? Pourrait-on dire que votre jardin est un lieu de paix?
Pour moi le jardin, c’est avant tout le chant du mistral dans le feuillage des platanes du jardin, au profond de mes nuits d’enfance, c’est en quelque sorte le berceau, le souffle dont je suis né. Donc oui, il est porteur d’une certaine sécurité, je m’y sens bien. Ce lieu est ouvert sur le monde, comme peut l’être l’enfance. À l’horizon du jardin d’enfance, il y a les montagnes des Baux de Provence d’un côté, celles de la Montagnette de l’autre, et je rêve alors souvent, aux portes du jardin s’ouvrant dans la haie, de franchir leurs lignes de crête. Oui, dans ce jardin d’enfance, je rêve d’avenir, il est ouvert sur le monde. En même temps, il y a cette roubine qui délimite la propriété en en faisant le tour, roubine qu’enfant je ne peux franchir en l’absence de pont, et le monde n’est ouvert qu’à mon regard. C’est par le regard que j’investis l’horizon, comme plus tard, revenant chaque été en ce lieu, je l’investirai par les mots, car mon pas sera devenu celui des mots. Lieu de paix, ce jardin d’enfance ? Pas vraiment, lieu chargé des souffrances familiales, dont précisément je m’évade enfant par le regard, puis, adolescent et adulte, par la poésie. Lieu d’envol, lieu du cri fondateur, dont toute ma vie je suivrai l’écho…
Lors d’une récente étude biblique dans la paroisse de Marseille sud est, nous avons réfléchi au thème de l’amitié, pour savoir ce qu’il représentait chez les philosophes et dans la spiritualité du Nouveau Testament. Une phase de la réflexion s’est déroulée en petits groupes, autour d’une phrase du philosophe latin Sénèque :
– « Dans quel but te procures-tu un ami ? » – Pour avoir quelqu’un pour qui je puisse mourir, pour avoir quelqu’un que je suive en exil, à la mort de qui je m’oppose.
Même dans ce contexte, Frauke Baymann rétablit toujours le lien de sens avec les questions de la foi. Sa synthèse en atteste.
Notre petit groupe de trois était très hétérogène face l’extrait proposé.
« Dans quel but te procures-tu un ami ? » sonne comme « Pourquoi tu t’achètes un smartphone ? », une provocation du même style que celles qu’on peut entendre de nos jours sur la foi.
Or, la réponse montre que la personne interrogée ne se laisse pas déstabiliser par cette provocation mais répond à la fois un brin provocatrice elle-même – « mourir, s’exilier, perdre quelqu’un » ne semblent guerre enviables –, et à la fois de façon profonde, en adressant des grandes questions de la vie : la mort est un scandale, un non- sens, mais si elle sert à faire vivre quelqu’un d’autre, un ami, une amie, elle perd son absurdité. S’exiler, tout perdre, être forcé d’aller vers un avenir incertain et inconnu est dur mais si l’ami me précède, le chemin devient plus léger; si je m’oppose à la mort de l’amie, j’œuvre contre tout ce qui s’oppose à sa vie (la maladie, l’injustice, les guerres. . .) et donne ainsi un sens à ma vie.
Photographies: Carine Volpi
Naturellement toutes ces rencontres se produisent autour des ouvrages des éditions Jas sauvages!
Le pasteur Jean Alexandre, est venu dans notre paroisse de Marseille sud-est nous présenter ses réflexions issues de son recueil « Dieu et son aide ». Cet entretien s’est déroulé dans un climat de confiance amical et fraternel où chacun et chacune a pu ressentir et comprendre ce qu’est une Écriture pour un peuple : une histoire, un poème, un enseignement.
« Une écriture qui serait ta parole dès que tu la dirais et qui ferait de toi un diseur de Dieu ».
Car ce qui, d’une écriture, fait une parole, c’est le fait de la dire. En effet, dire Dieu c’est résister, dire non, faire autrement ; c’est le Dieu de l’agir pour pouvoir proclamer :
« J’ai foi en Dieu et je m’engage à le servir ».
L’agir qui te donne force dans ta cellule, clarté devant tes juges, courage devant la mort. Rigueur et vigueur dans le combat pour la justice. La foi consiste plus en un faire qu’en un savoir, en quelque sorte faire du bien à Dieu ! Avec la lecture de la Bible ou son écoute, s’offre une occasion de rencontre :
« J’ai foi en Dieu et Dieu a foi en moi ».
Ainsi une Parole d’hier évolue en une Parole d’aujourd’hui. Les écritures demandent à être lues à long terme en tant que pratique constitutive de notre personnalité, en devenant le nerf de notre mode d’être dans notre monde si mobile. À la question : Comment dire Dieu, comment dire sa foi ? Il est possible de répondre que la force que porte le Dire de Dieu se nomme « Amour ».
« Tout parleur de Dieu est comme un surfeur, porté dans un filet par ce Souffle, sur la vague immense de Dieu, vers l’inconnu »…
Simon-Pierre Valli s’intéresse à la fois à la Bible, aux langues anciennes et à la poésie. Il nous propose la traduction d’un extrait d’un poète de langue latine, Juvencus, aristocrate d’Hispanie, très probablement premier converti de sa famille, puis prêtre au IVème siècle, auteur de la première célébration poétique de la doctrine du Salut en Jésus-Christ, sous forme de paraphrase des Évangiles. Cette œuvre de plus de 3000 vers s’intitule: Livres des Évangiles; elle date de l’an 325 environ; son auteur s’inspire principalement de l’Évangile de Matthieu.
Le passage constitue une réécriture de l’épisode biblique des Noces de Cana. Simon-Pierre Valli en apprécie le style sobrement virgilien. Il nous introduit dans une grande tradition poétique, puisque Juvencus aura lui-même une grande influence sur Pétrarque.
Cette entreprise de réécriture initiée en l’occurrence par Juvencus, puis la traduction établie par Simon-Pierre Valli constituent en quelque sorte la création d’un relais dans la transmission d’une méditation chrétienne, sous le signe de la beauté poétique. Il n’est qu’à voir les métaphores employées pour désigner le vin, et le souffle qu’elles insufflent à l’évocation de la puissance qui se manifeste à travers le geste du Christ: « écume », « effluve »… Le vocabulaire suggère la force et le mystère spirituel. La traduction versifiée, artiste, à la fois fidèle et libre, s’autorise quelques écarts justifiés en note.
Cette émission a été enregistrée le 6 octobre, lors du passage des éditions Jas sauvages à Nîmes. Merci à Radio Alliance Plus de proposer des formats d’émission qui permettent un approfondissement des sujets et à la journaliste Christiane Hervaud pour son professionnalisme et son amour de la poésie!
Pour écouter l’émission, cliquer ici, puis sur la petite flèche, en bas à droite, et à nouveau sur la petite flèche sur le bandeau en bas de page.
Échanger sur la poésie et sur l’amitié en Christ : de vrais défis, par Jacqueline Assaël
De nos jours, chercher à communiquer autour de la poésie relève d’un vrai défi. Non pas seulement, comme le disent les Anglais, d’un challenge qui provoque une stimulation devant une difficulté, mais proprement d’un défi. Il s’agit alors d’un combat dans lequel il faut engager toutes ses forces. À l’issue de cette lutte, on saura si l’on a été capable d’établir un dialogue avec quelqu’un d’autre, si l’on a réussi à le placer en situation de partager toute la richesse humaine ou la profondeur de spiritualité que l’on éprouve soi-même à la lecture d’un texte.
Les auteurs des éditions Jas sauvages sont ces sportifs de l’extrême. Yves Ughes se livre souvent à ce type d’expérience dans des salons du livre où les visiteurs passent nonchalamment d’un stand à l’autre en jetant un regard distrait. Il nous a livré notamment ses impressions à la fois désabusées et combatives dans un article précédent de ce site. Lui, le poète, observe avec une attente un peu désespérée et exaspérée ces « badauds qui souvent passent comme balles de ping-pong rebondissant de romans policiers (fatalement), en romans obligatoirement ‘initiatiques’ avant de débouler en ‘héroïc fantasy’. » Peu d’affluence autour de son étal de poésie… Mais les artistes sont quelque peu entêtés et ils ne se rendent pas facilement. Souvent Yves Ughes me raconte ses combats, littéralement, pour attirer l’attention sur sa parole poétique. Je vous partage volontiers l’un de ses récits, épique :
J’ai ensuite participé à la scène ouverte. Et je te la raconte. Elle se tenait sur la place centrale du village historique de Valbonne, là où se trouvent…. tous les restaurants.
Sur le coup, au milieu des bruits de fourchettes et du brouhaha, j’ai failli jeter l’éponge. Puis je me suis mis sous les vibrations de la citation de Boris Vian : « un homme véritable ne fuit pas, fuir c’est bon pour les robinets. »
J’ai donc ramassé toute mon énergie, bien placé le micro et je suis parti dans un numéro très « rock and roll ». J’ai lu avec en tête un rythme de batterie venu des Stones. En gros, je me suis jeté dans l’arène avec la volonté de combattre. J’ai bien senti qu’une qualité d’écoute s’établissait. Mais tout a été confirmé par un discret monsieur qui est venu me trouver au stand pour me dire : « vous avez réussi à imposer le silence sur la place, et votre lecture m’a bouleversé. » Il était tout ému et je l’étais tout autant de son émotion. Nous avons échangé pendant un quart d’heure, puis il m’a dit : « Vendez-moi le livre qui vous ressemble le plus. Je lui ai dit que tous me ressemblaient, mais je lui ai vendu à défaut de se faire. Il est parti ravi de la dédicace et je suis resté pantois sur ma chaise. Une telle rencontre suffit pour donner du sens à ma présence sur le festival.
Sa force est communicative. Pour ma part, je vais plutôt présenter la poésie de la foi en paroisse, plutôt que dans des salons du livre, mais il m’arrive de traverser les mêmes expériences : l’impression de devoir surmonter tous les obstacles de l’incompréhension, du désintérêt et du recul devant l’étrange que représente aujourd’hui l’expression poétique. Et puis finalement, on retient de belles rencontres et d’heureuses surprises.
La situation est à peu près la même quand je suis invitée à parler de l’amitié dans le Nouveau Testament, sujet d’un de mes ouvrages récents. La solidarité, on connaît ; la fraternité, on comprend de quoi il s’agit. Mais le sens spirituel de l’amitié, sa différence avec l’amour… Bien compliqué, non ? Et malgré tout, la conférencière finit par rencontrer des réactions comme des rayons de soleil, qui lui permettent de récupérer des forces intactes pour le prochain défi.
Rencontre poétique à Nîmes
Le week end dernier j’étais invitée à participer à un culte « Café/croissants » dans la paroisse de la Frat’ de Nîmes. La pasteure Iris Reuter se sentait curieuse, depuis longtemps, de découvrir la poésie de la foi des auteurs des éditions Jas sauvages et elle a remarquablement bien conçu cette journée avec tout d’abord des discussions entre paroissiens autour des tables, sur leur intérêt pour la poésie et le rapport de cette expression littéraire avec la foi. Puis elle m’avait demandé d’intervenir pendant le culte, pour exposer les motivations de mon engagement en poésie dans l’Église et enfin, l’après-midi était consacré à la projection sur écran et au commentaire de textes de Jean Alexandre, Michel Block, Étienne Pfender, Julien Nathanaël Petit, etc.
L’insigne de la Fraternité, assez proche du logo des éditions Jas sauvages, finalement
Le matin, j’étais donc assise à l’une des tables, sans rien dire, un croissant à la main, écoutant les réactions des paroissiens. Mes premières impressions ont été celles d’une grande rudesse dans le propos de la première personne qui a pris la parole, et d’une remarquable maturité dans les relations humaines entre tous les membres de la tablée, due sans aucun doute à la pratique régulièrement entretenue des débats d’idées dans la sympathie mutuelle. En effet les premiers mots prononcés ont été ceux d’un rejet calme mais définitif de la poésie, reçue comme parole obscure et prétentieuse, ou comme structure artificielle de rimes et de strophes sans effet sensible. L’affaire commençait mal ! Et puis j’ai été transportée de gratitude, intérieurement, en écoutant les interventions des autres participants qui, sans contester ce point de vue négatif très personnel, ont à leur tour exposé, avec des mots précis, ce que la poésie apportait d’enrichissement à leur réflexion, en matière de méditation biblique notamment. J’ai découvert que certaines personnes, encore de nos jours, lisaient régulièrement, pour leur plaisir, Hérédia ou Musset et j’ai entendu des paroissiens analyser des passages des conversations de Jésus avec Pierre ou Marie comme de vrais textes poétiques où les espaces entre les mots donnaient matière à communion de sentiments.
À travers le texte de l’Épître de Jacques, « Devenez poètes de la Parole » (1, 26), que j’ai commenté ensuite pour justifier, si l’on peut dire, mon activité de poésie de la foi, la pasteure Iris Reuter m’a dit avoir trouvé une expression satisfaisante, sur le plan théologique, de ce que représente pour elle l’énergie de la foi qui propulse un croyant et l’inspire pour porter l’Évangile.
Autour de Laure Gareil (qui a produit un compte rendu de cette matinée que vous pourrez lire dans l’article suivant de ce site), plusieurs paroissiens se sont rués sur le stand et les livres des éditions Jas sauvages. Il est réjouissant de penser que cette rencontre aura ainsi des prolongements à travers leurs lectures à venir et leur connaissance de la spiritualité des différents auteurs.
L’après-midi, à partir de la lecture de divers textes, les paroissiens présents ont découvert une expression de la foi marquée une poésie qui leur était souvent inconnue mais accessible, dense et évocatrice, souvent en vers libres. Nous avons notamment décortiqué ensemble l’art de la métaphore, qu’il est tellement utile de maîtriser pour apprécier pleinement, aussi, le sens des textes bibliques. Les interprétations de chacun ont nourri de beaux échanges et ont fait ressentir l’intérêt de réfléchir ensemble et régulièrement, en paroisse, pour former et exercer sa sensibilité au message de la foi que chacun formule à sa manière, à travers toutes les situations de la vie.
Réflexion sur l’amitié dans la Gardonnenque, à Brignon
Dans la Gardonnenque, où j’ai été accueillie, hébergée, guidée pendant le week end, la chaleur humaine n’a pas manqué. Belle ouverture vers une réflexion sur l’amitié qui a eu lieu le lundi en soirée. Malgré la menace d’un orage cévenol, le public a rempli le foyer paroissial, pour la plus grande satisfaction du pasteur Frank Massler. La publicité avait été bien faite pour la première conférence du cycle de « l’Esprit en liberté » qu’il a mis en place.
J’ai présenté non seulement le contenu de mon ouvrage d’analyse des passages du Nouveau Testament se rapportant à l’amitié, mais aussi deux recueils écrits en parallèle en des temps où je cherchais à m’assurer qu’une communion spirituelle pouvait perdurer dans une situation où le mutisme pathologique d’un des amis installait une distance qui semblait insondable dans cette relation d’affection.
Par moments, le public attentif a semblé être déconcerté par le message paradoxal du Nouveau Testament plaçant l’amitié au-dessus de l’amour dans le passage de l’Évangile de Jean où Jésus confie son Église à Simon-Pierre qui déclare l’aimer plus que les autres disciples et éprouver de l’amitié pour lui (21, 15-17). L’Évangile, comme la poésie, exigent une remise en question de nos habitudes de pensée ! Et la perception de la poésie, spécialement, ne peut se développer qu’à travers la découverte un peu intuitive du sens des mots, avec un esprit disponible, dégagé de l’expression formatée des sentiments. Peut-être est-ce ce qui a été retenu de notre lecture en commun d’extraits de mon recueil Frère de silence qui a suscité des échos chez les personnes ayant eu l’occasion de se heurter à la même situation d’une communication impossible avec un être brisé par les épreuves de son existence.
Pour conclure, une personne dans le public a eu la bonne idée de lire une citation de Sénèque sur l’amitié, retenue depuis sa scolarité, et fort belle.
Après cette séance, un peu à l’écart du brouhaha joyeux de la collation conviviale, j’ai eu la joie de partager encore quelques idées supplémentaires avec tel ou tel.
J’ai eu le bonheur aussi de découvrir le prix que pouvait avoir un livre sur l’amitié dans le Nouveau Testament aux yeux de certains, quand une dame est venue me demander une dédicace avec beaucoup d’hésitation ; elle a en effet pris un assez long temps de réflexion avant de savoir si je devais l’écrire à son nom ou à celui d’une personne à qui elle voulait l’offrir. Mais elle s’est dit que ce cadeau ferait des jaloux et qu’il valait mieux qu’elle garde elle-même le livre et qu’elle le prête à tous les amateurs ! C’est génial ! Un vrai et large partage d’amitié en Christ. J’ai été enchantée d’avoir à lui faire une dédicace à son nom.
Compte rendu de la soirée du 7 octobre à Brignon
par Odile Gaudin
Un petit mot sur l’amitié
Après la conférence de Jacqueline Assaël, juste partager cette pensée redonnée avec mes mots.
L’amitié est un sentiment certes, donné, à un alter ego, qui me permet de mieux me comprendre, mais qui m’engage dans un projet commun, une responsabilité assumée faite de solidarité, de loyauté…
…L’amitié se construit au fil des jours.
Et tu peux ne pas voir tes amis pendant des années mais, quand tu les retrouves, c’est juste, reprendre le fil des plus beaux jours. Et pour les chrétiens, l’amitié est une relation triangulaire : Lui, Toi et moi…
L’oriflamme des éditions Jas sauvages flotte dans la Gardonnenque, les livres au centre de l’attention de tous!
Compte-rendu de l’intervention de Jacqueline ASSAËL
au Temple de la Fraternité
Dimanche 6 octobre 2024
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Temps d’échange informel, autour des tablées, à propos de deux questions :
– En quoi la poésie permet-elle peut-être de dire l’indicible de la foi ?
– Qu’est-ce qui, dans notre lecture personnelle de la Bible, nous a marqués comme expression poétique de la foi ?
Le départ de l’échange d’une des tablées installées au Temple de la Fraternité était l’incompréhension et l’insensibilité que certains lecteurs peuvent éprouver face à la poésie.
Comment lire les Psaumes lorsqu’on est hermétique à leur dimension poétique ?
Peut-être que la poésie existe, en dehors de la lecture ou de la compréhension que nous pouvons en avoir : elle parle de choses très concrètes (chemin, montagne, champs…) qui peuvent avoir une dimension symbolique qui ne s’impose pas à certains lecteurs mais qui existe malgré tout.
Peut-être alors que la poésie échappe alors simplement à certains lecteurs ?
Malgré tout, certains peuvent être sensibles à la poésie en tant qu’agencement inattendus de mots et de réalités qui créent une dimension, un paysage, des possibles qui n’étaient simplement pas envisageables à certains lecteurs si un texte poétique n’avait pas été écrit.
Pour aborder le sujet de la traduction poétique de la foi, certains lecteurs de la Bible ont été marqués par une image récurrente, comme celle de la lumière qui guide et revigore, d’autres par un livre en particulier, comme celui des Psaumes qui délivrent une sagesse de vie ou comme les cantiques qui peuvent toucher par leur dimension musicale, d’autres sont accompagnés par des textes précis qui synthétisent de manière imagée et puissante leur vision du monde, comme : « Nous savons que jusqu’à ce jour toute la Création ensemble soupire et est en travail jusqu’à maintenant » (Romains, 8, 22)
La forme poétique est peut-être celle qui permet le mieux d’exprimer une forme de foi ou de présence divine ?
La forme poétique est aussi diverse à travers le texte de la Bible : elle n’est pas la même dans les cantiques, les psaumes, les proverbes, les paraboles… comme si la variété des formes pouvait correspondre à une variété d’expression de la foi en Dieu ou de sa manifestation aux hommes, comme si elle pouvait permettre aux hommes de mieux retenir la parole divine.
C’est peut-être grâce à cette mise en forme poétique, dont une partie de l’authenticité nous échappe du fait que le texte nous est accessible sous la forme d’une traduction, que nous pouvons si bien nous souvenir de certains passages.
Ainsi, l’un des convives de la tablée se souvenait clairement de deux passages et de deux paroles du nouveau testament. Tout d’abord lorsque Jésus est abandonné par les disciples, au seuil de la nuit sur le Mont des Oliviers, seul Pierre l’assure de sa présence en lui disant : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle ? » (Jean 6, 60-69), propos qui témoigne du soutien de Pierre envers Jésus mais aussi de la force que Jésus incarne. Ensuite la première parole que Marie Madeleine prononce quand elle reconnaît Jésus après sa résurrection : « Rabbouni ! » (Jean, 20, 13-18) qui illustre toute la tendresse et la reconnaissance de l’autorité de cette femme qui s’en remet entièrement à Jésus.
La poésie est-elle alors autant un moyen de dire la foi que de la transmettre à tous ceux qui la retiennent ?
Intervention de Jacqueline Assaël au cours du culte :
– Jacqueline Assaël a esquissé son parcours de vie : elle a vécu les deux tiers de sa vie en dehors de la foi et un tiers de sa vie dans la foi : « Et ça change tout, d’avoir la foi ! » Elle vit la foi comme une assurance, une confiance, une sécurité qu’elle ne connaissait pas avant. La foi lui permet de trouver un sens à la vie, sens qui lui manquait, auparavant. Vivre sans la foi plonge les individus dans une angoisse dont ils ne sont pas pleinement conscients mais qui est bien présente.
– Jacqueline Assaël explique l’interprétation qu’elle donne du « Devenez poètes de la parole » de l’épître de Jacques. « Poète » est à prendre dans le sens étymologique du mot dont il provient : « poète » signifie « créateur » en grec ancien. L’expression « poètes de la parole » signifie à la fois « créateurs de la parole de Dieu » par le fait même que chacun s’empare de la parole de Dieu et la rend vivante en soi et « créateur de la parole de foi » par le fait que chacun peut créer, écrire une parole qui témoigne de sa foi.
– Jacqueline Assaël pense que le travail d’écriture poétique au sein de l’Eglise protestante est essentiel pour permettre à certains, qui vivent dans la foi, d’exprimer leur relation à Dieu et à d’autres, qui sont en recherche de foi, de lire des témoignages personnels. En effet, un athée a constitué un système de pensée cohérent, qui lui correspond. Si un individu lui présente un système de pensée dont les fondements sont théologiques, l’athée s’en détournera parce que ce nouveau système de pensée ne lui correspondra pas du tout et qu’il n’y trouvera pas de sens. Alors que si un athée lit un poème qui témoigne de la foi en Dieu d’un individu, il sera avide de comprendre comment cette foi peut exister, comment elle peut aider quelqu’un à vivre, comment elle peut s’exprimer.
– Depuis qu’elle est à la retraite, elle a développé une activité d’édition de textes poétiques écrits par des paroissiens et des pasteurs qui disent leur foi, leur difficulté à nouer un lien avec Dieu, leur désarroi dans certaines épreuves à travers des textes poétiques. En effet, Jacqueline Assaël pense que la poésie est essentielle pour faire rayonner la foi à l’extérieur de l’Eglise. Son travail d’édition permet de transmettre cette foi vivante, qui s’exprime dans une poésie contemporaine, libre de toute contrainte formelle.
– Jacqueline Assaël donne quelques exemples de questions soulevées par les auteurs de certains des recueils poétiques qu’elle publie : comment continuer à vivre une relation d’amitié avec quelqu’un qui s’enferme dans un mutisme pathologique ? Comment exprimer et vivre le deuil après avoir perdu sa mère ? Comment nouer un contact avec Dieu, lorsque cela paraît difficile et fugace ?…