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– Échos d’un Festival heureux de poésie de la foi. 7. Paraphrases du psaume 23, par Yves Ughes
De nos jours le mot « paraphrase » a une mauvaise réputation. Une réputation presque aussi mauvaise de celle du mot « poésie ». Quand un professeur corrige un commentaire composé et qu’il raye d’un trait rouge et rageur un morceau de paraphrase, c’est très mauvais signe. Cela signifie que l’élève a redit avec nombre de maladresses ce que l’auteur du texte proposé avait si bien exprimé. Paraphrase, il s’agit d’un mot-procès, d’un mot-couperet ne supportant pas de discussion. Mais la vie du langage est telle qu’un mot peut être polysémique et que sa fortune varie au gré des siècles. Si nous remontons dans le temps, nous pouvons nous rendre compte que la paraphrase a été – dans un lointain passé certes, mais tout de même- chargée de connotations positives et d’une dimension spirituelle affirmée.
Il en va ainsi des deux pièces « sacrées » de Racine : ces oeuvres peuvent être considérées comme des paraphrases de textes bibliques. Blaise Pascal avec son «Abrégé de la vie de Jésus-Christ », s’est essayé à une synthèse risquée des Évangiles, et ce fut pour lui un exercice d’ascèse et d’écriture, d’ascèse en écriture. Clément Marot -par ailleurs auteur de textes grivois- s’est plu à cultiver la paraphrase -et avec bonheur- au point de publier un psautier complet. Drelincourt et nombre d’autres chrétiens et protestants ont mis leur foi à l’épreuve en paraphrasant les psaumes. Et l’exercice vient de loin, des profondeurs d’une tradition judaïque qui relevait du commentaire. Loin d’être une pratique condamnable, la paraphrase se présentait alors comme un exercice d’appropriation de la Parole.
De nos jours encore, cette discipline littéraire, marquée par la foi, perdure et dans le meilleur sens du terme. En témoigne le corpus sur lequel nous nous proposons de travailler. Nous partirons du psaume 22, ou 23 selon la numérotation hébraïque. Et notre problématique sera simple : démontrer que la paraphrase est à la fois un exercice de liberté, de création, une démarche spirituelle. Quelle soit plus ou moins réussie et accomplie est une autre histoire. Si nous voulons lire les paraphrases avec pertinence, il nous faut relire le psaume originel.
Cantique de David. L’Éternel est mon berger: je ne manquerai de rien.
2 Il me fait reposer dans de verts pâturages, Il me dirige près des eaux paisibles.
3 Il restaure mon âme, Il me conduit dans les sentiers de la justice, A cause de son nom.
4 Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, Je ne crains aucun mal, car tu es avec moi: Ta houlette et ton bâton me rassurent.
5 Tu dresses devant moi une table, En face de mes adversaires; Tu oins d’huile ma tête, Et ma coupe déborde.
6 Oui, le bonheur et la grâce m’accompagneront Tous les jours de ma vie, Et j’habiterai dans la maison de l’Éternel Jusqu’à la fin de mes jours.
Louis Segond (LSG)[1]
Nous allons approcher cinq auteurs qui ont paraphrasé ce psaume. Les voici donc, très rapidement présentés.
- Paul Claudel. Pour lui la lecture de la Bible est la possibilité donnée « d’accueillir et entendre, ensuite commenter et interroger. »[2] En ce qui concerne les psaumes, il prolonge cette pratique de lecture par la nécessité de répondre.
- le cantique de Jef Mathouret, organiste et musicologue. Nous verrons que cette dimension musicale est importante.
- Les chansons de Jean Debruynne. Auteur de plusieurs cantiques et chansons religieuses.
- Les chants psalmistes de Claude Bernard, auteur notamment d’un ouvrage intitulé Chanter notre aventure.
- Enfin un poème de Paul Baudiquey, prêtre du diocèse de Besançon, excellent connaisseur de l’oeuvre de Rembrandt.
Ces textes couvrent un éventail temporel qui s’étend de 1947 à 1988. Avant d’aller plus loin, écoutons les premiers versets de chacun. Cette lecture nous permettra de percevoir la diversité des approches. Leurs tonalités variées nous mettront en éveil sur la richesse de la démarche.
Claudel : Je suis une pauvre bête.
Marthouret : Tu es mon berger, ô Seigneur.
Debruynne : Moi, mon Dieu, c’est mon étoile.
Claude Bernard : Pasteur d’un peuple en marche.
Baudiquey : Et je dirai de Toi que Tu es Bon Pasteur.
Avec ces premiers versets, tout est dit de la diversité créative que suscite le psaume 23. Ne fût-ce que dans l’énonciation : « Je », « Tu », « Moi », « Toi », « Tu ». Il ne s’agit pas simplement de pronoms personnels ni d’une remarque purement grammaticale. Le style est ici révélateur d’une façon de se situer, mieux encore une façon d’ÊTRE avec l’Éternel.
POINTS COMMUNS ET CONSTANTES
Demandons-nous tout d’abord quels sont les points convergents dans toutes les réécritures ? Quelle est la constante ? Quels sont les points invariants ? La réponse est claire : deux aspects majeurs se tiennent en opposition dans la profondeur des textes, ils se concentrent en deux images : la « vallée d’ombre » et les « verts pâturages ». On pourrait classer cette évocation de la mort par degré d’intensité : avec Paul Baudiquey elle s’exprime par une étrange périphrase:
« Je ne craindrai plus rien, ni la chaleur du jour, Ni l’ennemi qui rôde aux contours de midi.
Paradoxalement, la mort est évoqué en plein midi. Mais l’on sait bien, et Camus l’a confirmé, que le soleil peut être tragique. La mort est plus ou moins concentrée dans les autres textes : avec Marthouret, la forme est atténuée :
dans la vallée de l’ombre.
De même chez Claude Bernard :
Aux ténèbres de la mort.
Mais elle peut prendre une forme cauchemardesque, avec Debruynne l’image devient ainsi concrète et physique :
La mort me prend dans ses sables.
Chez Paul Claudel, l’expression en est même redondante :
Dussé-je passer par la vallée de l’ombre de la mort.
Et cette insistance souligne la densité de l’angoisse. Ainsi les psaumes réécrivent-ils l’angoisse première de notre finitude. Le point constant et névralgique des psaumes se situe dans l’inquiétude voire dans les tourments suscités par la peur d’une fin annoncée. En un certain sens les psaumes nous placent dans la nudité de notre condition humaine. Mais les vallées, fussent-elles dominées par l’ombre, sont les lieux de traversées. Tous les psaumes ici présentées sont des textes de dépassement de la peur. Une mise en marche un désir de foi en la vie, un appel lancé vers l’éternel.
Chaque évocation de la vallée obscure est presqu’aussitôt prolongée par un basculement, un mouvement de vie qui s’exprime par des connecteurs d’opposition : mais, des verbes : Je ne craindrai plus rien, des phrases entières : ça ne fait rien, je ne craindrai plus rien. Chaque texte est donc un Itinéraire qui va des tourments personnels et qui tend à percevoir la présence de l’Éternel, s’en approcher pour finalement déborder dans la louange.
Pour être pleinement dans le cadre de notre festival, on peut affirmer qu’il s’agit de poèmes qui, comme tous les poèmes, sont consubstantiels d’une démarche spirituelle.
« Le poème devient un exercice spirituel dans la mesure où le travail sur la langue est aussi travail sur soi-même, dans le sens aussi où, plus ou moins confusément, le poète sait qu’il doit s’effacer devant quelque chose -ou quelqu’un de plus grand et de plus fort que lui ».[3]
Loin d’être des textes figés par le temps, les psaumes se présentent donc comme des oeuvres de tension. Cette relation à l’Éternel, par quelle dynamique littéraire passe-t-telle ? Pour y répondre, nous procéderons maintenant à la lecture de chaque texte. Cette lecture ira à l’essentiel, en espérant qu’elle soit suffisante pour faire apparaître la richesse de chaque démarche.
- Quelle dynamique linguistique ? Quelle démarche spirituelle ?
- Claudel : De l’aveu contrit à l’infinie miséricorde. C’est un texte de fin de vie et d’emblée l’auteur se situe dans la contrition ; tout est pratiquement dit avec : « Je suis une pauvre bête ». Parallèlement, il est le seul auteur évoquant des images de punition : « Ces verges pour me fouetter et ce bâton pour me battre, je les baise avec amour ». Image dégradée de soi. Houlette, verges et bâtons. Expiation. Toute la dynamique verbale s’organise autour de cette démarche douloureuse. Le verbe est retenu, les images sont rares. La marque principale de cette réécriture se situe dans un mouvement de contraction et dilatation. De punition et de gratitude.. Nous sommes là au coeur d’une vérité qui traversera la suite de notre approche : « on prie comme on croit ». On réécrit le psaume comme on croit.
- De fait, la tonalité est tout à fait différente avec la chanson religieuse de Jean. Debryunne : dès l’amorce du texte une familiarité heureuse et détendue s’installe : «Moi, mon Dieu » ou encore, dans une autre chanson : « Dieu est toujours en avance /pour parler des vacances. » Nous nous trouvons là dans une légèreté assumée et revendiquée : , celle du « Folk-Psaume. » C’est à la fois la force et la faiblesse de cette réécriture. Elle présente certes de belles intuitions : « Sa liberté me libère ». Elle rend la présence de l’Éternel par des éléments festifs de la vie courante comme ces «vins gris pétillants » « l’avenir est son jardin » « tu me prépares un banquet ». Mais il nous faut bien souligner que, si ce texte gagne en séduction, il perd en démarche spirituelle. Ce n’est pas un jugement de valeur, mais un simple constat littéraire.
- « Tu es mon berger, Ô Seigneur. » Telle est l’ouverture du texte de Robert Jef Mathouret. Ouverture simple exprimant une relation clairement établie presque dans la force de l’évidence. Dès lors le texte a pour dynamique principale de glorifier cette paix et ce bonheur donné par la Présence. Les adjectifs qualificatifs abondent : «verts pâturages, eaux limpides, merveilleux festin, ta coupe débordante, ton huile vivifiante. » Nous sommes là face à un texte bienheureux, liant la présence de l’Éternel à un véritable bien être, une joie d’être. Et la musicalité du texte vient conforter et amplifier cette bienheureuse perception du monde. Nombre de vers sont des alexandrins dont on sait la force d’harmonie dans la pratique de notre langue. Ce texte présente une fusion accomplie entre le chant populaire, le psaume et la démarche spirituelle. « On prie comme on croit », vous dit-on.
- Avec C. Bernard, la relation semble s’installer comme précédemment, par l’affirmation d’une évidence. « Pasteur d’un peuple en marche/conduis-nous par tes chemins . »
Un guide, une voie tracée, un mouvement donné. Tout est clair. La suite du texte est pourtant marquée par une interrogation qui exprime quelque trouble : « Mais comment reconnaître le Seigneur ? ». Nous retrouvons là au d’une démarche typique du psaume : une attente, un désir, le souhait d’une présence pourtant admise dès les premiers versets.
L’originalité de cet auteur est de faire émerger dans sa réécriture la présence de Jésus, comme réponse à son interrogation. Dans cette émergence se noue à la fois une grande liberté prise avec le psaume et une grande fidélité inscrite dans une démarche chrétienne. Rappelons-nous les mots de Jésus : « je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi ». [4] Nulle trahison installée dans le texte de réécriture, mais une simple fusion entre les prophéties et les Évangiles. L’audace et la liberté peuvent donc être partie prenante de cet exercice particulier qu’est la réécriture.
- Avec Paul Baudiquey : La relation est également limpide et directement assumé, par le rapprochement de deux pronoms personnels Je/Tu : « Et je dirai de Toi que Tu es Bon Pasteur » et l’abondance des majuscules donne déjà au texte une dimension d’Arts Plastiques. Ce premier verset relève presque d’un dessin. Avec cet auteur une relation spirituelle de proximité s’inscrit dans le texte, notamment par la création d’images. L’imagination, cette vertu cardinale, affirmait Baudelaire entre ici dans sa plus belle dimension créatrice. « Tu fais des archipels aux portes du désert ». « Quand le brouillard d’automne emplit les chemins creux ». La relation au monde est plus qu’heureuse, elle s’avère fertile de part en part. Dans ce monde fécond, fécondé nous pouvons « Être le commensal de la table opulente ». Voici que tout devient fête, dans le surgissement inattendu de « la vieille Sara » : Tu m’apprendras le rire de sa vieille Sara/qu’on ne peut T’aimer sans rire à cause de TOI ».
Parvenus au terme de notre modeste panorama, nous pouvons dégager quelques enseignements de ce qu’est la paraphrase et de ce qu’il lui faut mettre en oeuvre pour accéder au titre honorifique de « réécriture », sachant qu’en ce qui me concerne ces deux mots sont équivalents. Il nous faut d’une part souligner l’exceptionnelle variété des paraphrases. Chaque texte est révélateur d’une démarche personnelle, d’un contexte, d’une situation d’énonciation. Par-delà ces données individuelles ou collectives, ces textes sont révélateurs d’une valeur profondément ancrée dans la culture chrétienne, plus encore dans la culture protestante : la liberté d’interprétation (sous réserve de cohérence, bien évidemment) et la liberté de création. Loin de se contenter de reproduire, la paraphrase crée de nouveaux espaces de sens.
Il nous faut d’autre part souligner que la paraphrase loin d’être une pâle imitation -ou un fade remix pour faire plus moderne- se présente comme un exercice spirituel. Cet exercice prend naissance au coeur de notre condition et du désarroi que toute prise de conscience de notre finitude peut engendrer. Par une pratique de la langue qui relève de la création poétique, elle met en oeuvre une démarche, une quête vers Quelqu’un de plus grand que nous. Parallèlement ou consubstantiellement elle enclenche par les mots un processus d’appropriation qui rend visible ce qui est invisible.
Si l’on se réfère à la phrase de Paul Klee : L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible,
on peut affirmer que la paraphrase est un art à part entière.
Pour le festival « Palmes et Psaumes »
11 – 14 avril 2024.
Yves Ughes.
Avec mes profonds remerciements pour Jean-Luc Lorber, pour le corpus établi et sa précieuse approche.
Jean-Luc Lorber : Les paraphrases du psaume 22, au XXème siècle. Revue des sciences religieuses. 81/3. 2007. https://journals.openeditions.org
[1] Livre des Psaumes. Psaume 23.
[2] Jean-Luc Lorber : Les paraphrases du psaume 22, au XXème siècle. Revue des sciences religieuses. 81/3. 2007. https://journals.openeditions.org. P. 3
[3] Gérard Bocholier, Le poème exercice spirituel – Ad Solem Éditions SA. Paris, 2014. 4ème de couverture.
[4] Jean, 14-6
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Allocutions officielles d’ouverture du Festival
Déroulement du Festival
– Échos d’un Festival heureux de poésie de la foi. 4. Textes de l’atelier d’écriture sur thème biblique
Atelier animé par Yves Ughes
Poème de Maria Blasquez
La main paralysée
La main,
créee pour façonner écrire et aimer caresser et guérir
hésite et se fige
sur la page blanche glacée
paralysée
comme en suspens
sur le tumulte des flots, l’abîme insondable
et changeant
de pensées
d’images
et de sons.
Le souffle court le coeur battant
les mots à la bouche
se bousculent en silence tressaillent
et se perdent
comme de l’eau vive dans des sables mouvants
Insaisissables les phrases, inexprimables les sensations les vertiges… Les mots glissent et s’enfuient
sans oser se dire et tombent
dans le puits profond de l’oubli
Quel barrage invisible
gardien d’un ancien secret,
sentiment trop lourd
d’imposture et de honte
arrête la main dans son élan d’amour ?
Du désir ou la peur
Qui aura le dernier mot ?
Poème de Marie-Christine Gay
À l’abri des cils
mes yeux immobiles scrutent
candélabres de l’âme
Œilletons souvent verrouillés
Parfois ténèbres
parfois lumière
parfois cruels
parfois infidèles
Cierges solitaires
Sur la route des mondes
Un bouton de jonquilles
s’extasie devant un tronc noueux
il garde la vigilance des pensées
sur la vase immergée
Voyage toujours dans la clarté
sur les rives féeriques
de la neige immaculée
de ton regard très aiguisé.
– Échos d’un festival heureux de poésie de la foi. 3. Psalmothérapie (suite), par Marie-Christine Gay
LA PSALMO-THERAPIE
LE PSAUME 139
Étude littéraire
Ce psaume m’a toujours accompagné sur mon chemin spirituel, et plusieurs fois dans ma vie des paroles m’ont été données, tirées de ce psaume, en particulier dans des moments difficiles. Il a été une vraie thérapie spirituelle et je le considère, avec Robert Michaud, Alphonse Maillot ou André Lelièvre, comme le plus beau du Psautier. Il appartient à une collection (Ps138 à 145) dédiée au roi David.
Seigneur, tu me connais parfaitement
1 Du chef de chœur. De David. Psaume.
Seigneur, tu m’as examiné à fond, tu me connais ;
2 toi, tu sais quand je m’assieds et quand je me lève,
tu comprends de loin ma pensée ;
3 tu sais quand je marche et quand je me couche,
et tu pénètres toutes mes voies.
4 Car la parole n’est pas sur ma langue
que déjà, Seigneur, tu la connais entièrement.
5 Par-derrière et par-devant, tu m’assièges
et tu mets ta main sur moi.
6 Cette connaissance étonnante me dépasse,
elle est trop élevée pour que je puisse la saisir.
7 Où pourrais-je aller pour échapper à ton souffle,
où pourrais-je fuir pour t’échapper ?
8 Si je monte au ciel, tu y es ;
si je me couche au séjour des morts, tu es encore là.
9 Si je prends les ailes de l’aurore
pour aller demeurer au-delà de la mer,
10là aussi ta main me conduira,
ta main droite me saisira.
11 Si je dis : Au moins les ténèbres me submergeront,
la nuit devient lumière autour de moi ;
12 même les ténèbres ne sont pas ténébreuses pour toi,
la nuit s’illumine comme le jour,
et les ténèbres comme la lumière.
13 C’est toi qui as produit les profondeurs de mon être,
qui m’as tenu caché dans le ventre de ma mère.
14 Je te célèbre, car j’ai été fait de façon merveilleuse.
Tes œuvres sont étonnantes,
je le sais bien.
15 Mon corps ne t’était pas caché
lorsque j’ai été fait en secret,
tissé dans les profondeurs de la terre.
16 Quand je n’étais qu’une masse informe, tes yeux me voyaient ;
et sur ton livre étaient tous inscrits
les jours qui furent façonnés,
avant qu’aucun d’eux n’existe.
17 Que tes pensées, ô Dieu, me semblent impénétrables !
Que la somme en est grande !
18 Si je les compte,
elles sont plus nombreuses que les grains de sable…
Je m’éveille, et je suis encore avec toi.
19 O Dieu, si seulement tu faisais mourir le méchant !
Hommes sanguinaires, écartez-vous de moi !
20 Ils parlent de toi selon leur astuce,
ils t’invoquent pour tromper, eux, tes adversaires !
21 Seigneur, comment ne détesterais-je pas ceux qui te détestent,
comment n’aurais-je pas du dégoût pour ceux qui se dressent contre toi ?
22Je les déteste totalement ;
ils sont pour moi des ennemis.
23 Examine-moi à fond, ô Dieu, et connais mon cœur !
Sonde-moi, et connais mes préoccupations !
24 Regarde si je suis sur une voie mauvaise,
et conduis-moi sur la voie de toujours !
Traduction de la nouvelle Bible Segond © Société biblique française-Bibli’O, 2002
Première édition de la Bible d’étude : sous la direction de Henri Blocher, Jean-Claude Dubs†, Mario Echtler†, Jean-Claude Verrecchia, coordination Didier Fougeras.
D’après Antoine Nouis, ce psaume commence par « la belle assurance de l’omniscience de DIEU », son omniprésence et sa toute-puissance puis suite à la louange, le psalmiste découvre une haine au fond de lui (V21) : il est alors pris de doutes et se fait plus humble et même suppliant.
Souvent les psaumes vont de la détresse à l’assurance, celui-là est à l’inverse. À tel point que certains théologiens ont pensé qu’il s’agissait de 2 psaumes différents.
Première Partie : l’omniscience de Dieu (versets 1-6)
La connaissance que Dieu a de l’homme est totale, cette totalité s’exprime au moyen d’oppositions et d’une anaphore « tu sais » : rien ne t’échappe.
Dieu nous connaît :
- Tout d’abord au niveau physique :
V2 toi tu sais, « je m’assieds et quand je me lève »
V3 tu sais « quand je marche et quand je me couche, »
V5 « Par-derrière et par-devant, tu m’assièges »
- Puis Dieu nous connaît au niveau psychologique :
V2 « tu comprends de loin ma pensée »
V3 « tu pénètres toutes mes voies. »
V4 « Car la parole n’est pas sur ma langue que déjà, Seigneur, tu la connais entièrement. »
- D’autres expressions montrent la transcendance de la connaissance de Dieu :
V2 « tu comprends de loin ma pensée ; »
V5 « tu mets ta main sur moi. » au présent
V6 « Cette connaissance étonnante me dépasse, elle est trop élevée pour que je puisse la saisir. »
Dieu n’a aucune limite temporelle ou spatiale, il est toujours près de chacun. Il n’a pas le regard d’un surveillant, mais d’un père céleste qui est au côté de son enfant dans la vérité de sa personne, et dans tous les actes les plus humbles et les plus banals de sa vie et à plus forte raison ses manquements. Dieu connaît tout de ses blessures et de ses désirs.
Deuxième partie : l’omniprésence de Dieu (verset 7-12)
Il est impossible d’échapper à Dieu : V7 « où pourrais-je fuir pour t’échapper ? »
Trois anthropomorphismes (souffle, main, main droite) le démontrent dans les versets 7 et 10:
V7 « Où pourrais-je aller pour échapper à ton souffle, »
V10 « là aussi ta main me conduira, ta main droite me saisira. »
Il est impossible d’échapper à Dieu où que l’on soit au niveau vertical :
V8 « Si je monte au ciel, tu y es ; si je me couche au séjour des morts, tu es encore là. »
Au niveau horizontal, les ailes de l’aurore sont une image poétique qui évoque l’orient et l’au-delà des mers évoque l’occident[1]
V9 « Si je prends les ailes de l’aurore pour aller demeurer au-delà de la mer, »
Le psalmiste dit qu’il voit les ténèbres le submerger, mais l’omniprésence de Dieu traverse et apporte sa lumière. V11 « Si je dis : Au moins les ténèbres me submergeront, la nuit devient lumièreautour de moi ; »
V12 « même les ténèbres ne sont pas ténébreuses pour toi, la nuit s’illumine comme le jour, et les ténèbres comme la lumière. »
(Répétition qui renforce le point de vue)
L’utilisation d’une figure de style comme cet oxymore vise à renforcer l’étonnement de cette présence de Dieu. Cette omniprésence de Dieu pourrait faire peur mais cil s’agit d’une bonne nouvelle, car il n’est pas de lieu ou l’on ne puisse saisir la main que le Seigneur ne cesse de tendre. Dieu est présent même au séjour des morts, on peut voir une analogie avec la mort et la résurrection du premier-né d’entre les morts. Le chapitre se termine par une espérance même si l’on est plongée dans les ténèbres, Dieu est encore là et l’on reste toujours sous son regard lumineux.
Troisième partie : la création de l’homme (versets 13-18)
La strophe se divise en 2 parties
- Les versets 13-15 est un cri d’admiration devant le chef d’œuvre de la création ;
Le psalmiste découvre que Dieu était présent dès sa conception dans le ventre de sa mère.
V13 « C’est toi qui as produit les profondeurs de mon être, qui m’as tenu caché dans le ventre de ma mère. »
Puis il découvre qu’il est aimé de Dieu et qu’il est une créature merveilleuse tel qu’il est.
V14 « Je te célèbre, car j’ai été fait de façon merveilleuse. Tes œuvres sont étonnantes, je le sais bien. »
Les enfants sont conçus dans le secret du lit conjugal et c’est dans le secret que s’établit notre relation à Dieu
V15 « Mon corps ne t’était pas caché lorsque j’ai été fait en secret, tissé dans les profondeurs de la terre. »
La conception mythique de la terre-mère établit un parallèle avec le sein maternel.
- Les versets 16-18 : Représente la merveille de la création de l’homme.
Ces versets évoquent la pleine connaissance que Dieu a de l’homme, merveille de la création, aussi bien avant sa conception que dans le déroulement de ses jours.
V16 « Quand je n’étais qu’une masse informe, tes yeux me voyaient ; et sur ton livre étaient tous inscrits les jours qui furent façonnés, avant qu’aucun d’eux n’existe. »
L’homme est à la fois pleinement libre et totalement entre les mains de Dieu
Dieu connaît absolument tout de nous, en revanche il reste pour nous une énigme. (V17-18)
V17 « Que tes pensées, ô Dieu, me semblent impénétrables ! Que la somme en est grande ! » V 18 « Si je les compte, elles sont plus nombreuses que les grains de sable… »
Vouloir sonder le mystère de Dieu est une épopée impossible : une seule certitude à la fin du V18 : « quand je m’éveille, je suis encore avec toi »
Cette contradiction entre la liberté totale de l’être humain et le fait d’être totalement entre les mains de Dieu donne encore plus la certitude de l’impénétrabilité des pensées de Dieu. Plusieurs interprétations de ce chapitre nous mettent devant le mystère de la révélation progressive de Dieu aux hommes.
Quatrième partie : le jugement divin (Versets 19-24)
La dernière strophe est remplie de violence et elle se divise en deux sections
1/Versets 19-22 : Malheur pour le méchant.
Après l’émerveillement de la présence de Dieu dans son histoire, le psalmiste se trouve confronté à la présence du méchant et il demande à Dieu sa mort au V19 « Ô Dieu, si seulement tu faisais mourir le méchant ! Hommes sanguinaires, écartez-vous de moi ! »
Le méchant est un homme qui trompe Dieu : V20 « Ils parlent de toi selon leur astuce, ils t’invoquent pour tromper, eux, tes adversaires ! »
Ce passage fait penser à cette phrase de l’Exode20,7 :
« Tu n’invoqueras pas le nom du Seigneur, ton Dieu, pour tromper : le seigneur ne tiendra pas pour innocent celui qui invoquera son nom pour le tromper »
Au verset 21 et 22 l’orant ressent une haine implacable pour les ennemis de Dieu. La répétition à quatre reprises des mots « détester », « dégoût pour l’ennemi » montre l’intensité de cette haine :
V21 « Seigneur, comment ne détesterais-je pas ceux qui te détestent, comment n’aurais-je pas du dégoût pour ceux qui se dressent contre toi ? »
V22 « Je les déteste totalement ; ils sont pour moi des ennemis. »
Après s’être laissé habiter par la présence du Seigneur, le psalmiste découvre cette haine au fond de lui, ce qui le rend plus modeste et suppliant.
2/Versets 23-24 le bonheur pour l’orant.
Après la découverte de ses ténèbres le psalmiste demande à Dieu avec insistance au verset V23
« Examine-moi à fond, ô Dieu, et connais mon cœur ! Sonde-moi, et connais mes préoccupations ! »
Et au verset V24, il le prie de le conduire et de le guider sur le bon chemin
« Regarde si je suis sur une voie mauvaise, et conduis-moi sur la voie de toujours ! »
Ces derniers versets exprimés avec des mots simples sont d’une beauté et d’une justesse qui me touchent. Dans l’ensemble de ce psaume prodigieux, j’aime cette découverte progressive que tout homme fait dans sa vie. Tout d’abord, les merveilles de la création et de l’homme et ensuite, sur le chemin spirituel, les zones de ténèbres qui font parfois peur. Dieu s’intéresse à chacun d’entre nous, veille sur nous, et il connaît chacune de nos pensées. S’il connaît nos pensées, Lui, a les siennes ; et elles nous sont précieuses !
Je terminerai sur cette question : sommes-nous vraiment imprégnés dans le fond de notre cœur de ces grandes vérités ? Et un souhait : Laissons-nous conduire et instruire par l’expérience de ce psalmiste anonyme pour guérir nos blessures et mettre notre vie dans les mains de Dieu et utilisons le psaume 139 comme un puissant remède de guérison intérieure : psalmo-thérapie.
Références bibliographiques :
Robert Michaud, Les psaumes, éditions Paulines.
Alphonse Maillot et André Lelièvre, Les psaumes, Genève, Labor et Fides.
Antoine Nouis, La Bible commentaire intégral verset par verset : 3 les livres poétiques, Olivétan/Salvator.
– Échos d’un festival heureux de poésie de la foi. 2. Psalmothérapie, par Christian Barbery
Conférence du pasteur Christian Barbéry
Vendredi 12 avril,16h30-17h30
Psalmothérapie
y
Le psaume 51 est attribué au roi David. C’est un psaume de pénitence et il est rattaché au péché de David selon ce qu’en dit 2 Samuel au chapitre 12, à savoir lorsque David fait tuer Urie pour prendre Bethsabée.
Certains exégètes indiquent que ce psaume est le fruit d’une tradition orale qui n’a cessé au fil du temps de l’enrichir jusqu’à sa rédaction finale, sans doute au moment de l’Exil, ce qui se confirme par la présence des versets 20 et 21 :
« Fais du bien à Sion, rebâtis les murs Jérusalem. Alors tu aimeras les sacrifices prescrits, offrande totale ; alors on offrira des taureaux sur ton autel ».
Si je mentionne ces détails exégétiques, c’est non seulement pour souligner la cohérence du psaume, mais pour entrer dans le sujet par l’’angle d’attaque que je voudrais développer maintenant, à savoir : comment une prière personnelle peut-elle devenir une prière collective ? Et à l’inverse : comment une prière universelle peut-elle devenir une prière personnelle ?
Cette question me semble importante car elle souligne une communion humaine devant Dieu, communion par delà le temps et l’espace, transcendant les particularités et différences de chacun. Et cette communion fait que l’on peut investir des mots anciens et des phrases qui ne sont pas les nôtres. C’est ce qui se passe dans le culte dominical mais aussi chaque fois que l’on découvre avec joie un poème ou un texte qui nous parle au plus profond de nous-mêmes.
C’est ce qu’avait très bien dit Saint Athanase d’Alexandrie, Père de l’Église du 4ème siècle, à propos des psaumes :
« Les psaumes, chose étrange, sont au lecteur comme un discours personnel, chacun les chante comme écrits pour lui et ne les prend ou ne les parcourt pas comme dits par un autre ou écrits sur un autre. (…) Il n’éprouve pas de crainte devant ces paroles, mais plutôt, les considérant comme personnelles et écrites sur lui, il prend courage pour les dire ou les chanter »
(Lettre à Marcellin de notre Père Saint Athanase, archevêque d’Alexandrie, sur l’interprétation des Psaumes. Partie XII,1, les psaumes, miroir de l’âme.)
Et encore :
« Les paroles des psaumes me paraissent être pour le lecteur comme un miroir pour qu’il s’y considère avec les mouvements de son âme et les récite sous cette impression. Même l’auditeur reçoit ce chant comme fait pour lui ; ou bien, convaincu par sa conscience et confondu, il se repentira, ou bien entendant parler d’espoir en Dieu et du relèvement accordé à ceux qui croient, il se réjouit de ce que cette grâce lui est accordée et commence à remercier Dieu. Qu’on ait gardé ou transgressé les commandements, les Psaumes s’appliquent aux deux états. Alors les psaumes nous apprennent simultanément à prier pour obtenir la grâce d’accomplir la Loi divine et ainsi à l’observer ».
(Lettre à Marcellin, XII,1.)
C’est une citation un peu longue mais elle a le mérite de montrer deux dimensions des psaumes : la dimension spirituelle, voilà pourquoi je n’hésite pas à parler de «psalmothérapie » dans le sens où l’enjeu du psaume est une guérison de l’esprit, mais aussi du corps et de la psyché.
Et dimension éthique aussi, en ce sens que la prière exprime une adhésion à la volonté de Dieu et une décision de tout mettre en œuvre pour lui obéir.
Je voudrais maintenant passer si je puis dire aux travaux pratiques, à savoir : comment recevoir le psaume 51 ? Comment le recevoir aujourd’hui et faire nôtre ce psaume ? Quel effet miroir a t-il sur nous ? En quel sens est-il chemin de guérison ? Psalmothérapie ?
Ce qui me frappe dans ce psaume c’est le vocabulaire lié au péché. Normal, c’est un psaume de pénitence.
Mais il y a comme un retour obsessionnel du vocabulaire lié au péché.
« Je reconnais tout le mal que j’ai fait.
« La faute est devant moi… »
C’est aussi un appel au secours :
« Viens à mon aide, Sauve-moi. Rends moi pur… »
Le péché, le tort, la faute, le mal, tous ces mots signalent d’un côté une reconnaissance du mal commis et de l’autre une impossibilité douloureuse de s’en débarrasser par ses propres forces :
« J’ai sans cesse mon péché devant moi ».
On est dans la douleur à tel point que ce péché, cette faute, sont présents dès la naissance, dès la conception, ce que l’on peut lire comme une référence à la doctrine du péché originel, chère à St Augustin.
Comment actualiser cette conception du péché originel ? Peut-être en insistant sur l’expérience qu’exprime le psaume ? Car il s’agit d’expérience. Cette question est intéressante car elle convoque la vision que nous nous faisons du péché aujourd’hui et qui a considérablement évolué au cours des siècles, ne serait-ce que par l’apport au 20ème siècle de la psychanalyse, de l’anthropologie et de la théologie qui insistent plus sur l’être pécheur que sur le péché.
Mais avant de répondre à cette interrogation, remarquons que dans ce psaume, ce qui est demandé de la part du psalmiste, c’est un pardon s’exprimant essentiellement en terme de purification :
« Lave-moi à grande eau, purifie-moi, lave-moi et je serai plus blanc que neige. »
D’un côté un univers d’angoisse et de ténèbres, de l’autre une Espérance de pureté et de lumière.
Il n’est pas simple aujourd’hui de parler de pureté et de purification car ce vocabulaire n’a pas bonne presse, et pour cause, il a servi dans l’histoire à justifier beaucoup d’exactions commises quelquefois au nom de Dieu, au nom d’une race ou d’une idéologie. Et dans les psaumes eux-mêmes, on ne peut compter les appels à la destruction et à l’écrasement de l’ennemi, de l’impie, de celui qui représente la souillure.
Alors comment lire ? À quel niveau recevoir cette conscience douloureuse du péché et cet appel à la purification ? C’est Ici que Saint Athanase me semble d’une grande modernité. Les paroles du psaume 51 et en particulier quand elles abordent le péché, nous renvoient à ce que nous avons de plus profond et de plus obscur en nous-mêmes, à savoir notre indignité fondamentale devant Dieu. Et cette indignité se joue ici à 3 niveaux :
– le niveau de la faute éthique, qui est sans doute le niveau le plus repérable : nous commettons, nous avons commis des fautes, de même que David a commis une lourde faute. Et ces fautes, nous pouvons et devons les reconnaître. Nous ne pouvons pas toujours réparer le mal commis mais nous pouvons identifier ces fautes, les avouer et demander pardon.
Le second niveau est plus profond puisqu’il s’agit de cette prise de conscience de notre capacité à faire le bien que nous voudrions faire et à ne pas faire le mal que nous ne voudrions pas faire. C’est la formule de l’apôtre Paul.
C’est donc la prise de conscience de cet être pécheur devant Dieu, prise de conscience qui donne le ton de la prière et de l’appel au secours:
« Aie pitié de moi, mon Dieu selon ta fidélité ».
Mais il y a un troisième et dernier niveau de lecture du psaume 51 qui renvoie à un sens encore plus profond et qui est celui sur lequel se vit et se traduit cet être pécheur.
Avant d’en arriver à la confiance devant Dieu, à l’appel au secours, le péché se vit sur le mode de la culpabilité et de la souillure, souillure d’ailleurs congénitale :
« Dans la faute, j’ai été enfanté, dans le mal conçu des ardeurs de ma mère. »
Je ne suis pas certain qu’il faille lire là un acte d’accusation, mais plutôt la prise de conscience douloureuse du néant de l’être humain car il me semble que si nous nous laissons atteindre par ce sentiment de néant, c’est là, en ce point précis que Dieu vient nous chercher pour nous faire remonter des ténèbres de l’angoisse à la lumière de l’espérance. Car c’est Dieu lui-même qui descend dans ces ténèbres intimes de l’être humain pour lui enseigner le chemin du retour. Le Christ n’est il pas « descendu aux enfers » comme le dit le Credo… pour nous en faire sortir…
C’est une expérience universelle : qui n’a pas connu dans sa vie de ces moments où, en dépit de la foi, il se sentait écrasé à jamais par une irrémédiable faute qui engendre un sentiment de culpabilité ? Un passé trop lourd à porter, une faute personnelle ou ancestrale dont le souvenir reste douloureux ou encore une consigne si tragique de sa propre condition humaine qu’aucune Parole de pardon ne peut, sur le moment, apporter la paix ?
C’est là qu’un psaume comme le psaume 51 vient nous rejoindre et qu’il peut devenir le nôtre, dans la mesure où il part de la plus noire désespérance de l’être humain, désespérance qui peut prendre une forme pathologique avec cette obsession de la souillure.
Il me semble intéressant de constater que les Pères de l’Eglises avait déjà découvert dans leur lecture des psaumes un chemin de guérison possible – Athanase, un psy avant l’heure?
Et puis, de toutes façons, ce chemin de guérison s’adresse à nous tous, en ce que nous avons de ténébreux, et en ce que nous sommes, que nous le voulions ou non, que nous en ayons conscience ou non, des êtres d’angoisse.
Et si ce psaume commence par un cri exprimant cette angoisse, par un aveu, par un appel à l’aide, ce qu’il exprime est bien ceci : voici l’humain que je suis, voici le Dieu que tu es. Toute mon espérance tient en ce que Tu es et non pas en ce que je suis. « Coram Deo » aurait dit Luther.
Extraordinaire espérance d’un pécheur, extraordinaire espérance d’un peuple en Exil, relativisant les sacrifices cultuels parce que découvrant, à la suite dOsée, que ce ne sont pas les sacrifices que Dieu demande, mais une véritable conversion du coeur.
Extraordinaire espérance enfin des chrétiens qui ont prié, chanté ce psaume, le lisant à la Lumière du pardon total réalisé en Jésus -Christ.
– Échos d’un festival heureux de poésie de la foi. 1. Fruits de l’atelier d’écriture « Expression de la foi »: poèmes de Gérard Scripiec, Hubert le guitariste, Yves Ughes et Marie-Christine Gay
Fruits de l’atelier d’écriture: « Exprimer la foi »
Vendredi 12 avril 2024, 10h-12h
Il a été proposé aux participants de réécrire le Psaume 3, en fonction des expériences de vie de chacun.
Ci-dessous: le texte de ce psaume et la version personnelle de Gérard Scripiec, présent à l’atelier.
Psaume 3
1Psaume de David. Quand il fuyait devant son fils Absalom.
2SEIGNEUR, que mes adversaires sont nombreux : nombreux à se lever contre moi,
3nombreux à dire sur moi : « Pas de salut pour lui auprès de Dieu ! » Pause.
4Mais toi, SEIGNEUR, tu es un bouclier pour moi ; tu es ma gloire, celui qui relève ma tête.
5A pleine voix, j’appelle le SEIGNEUR : il m’a répondu de sa montagne sainte. Pause.
6Je me suis couché et j’ai dormi ; je me suis réveillé : le SEIGNEUR est mon appui.
7Je ne crains pas ces gens si nombreuxpostés autour de moi.
8Lève-toi, SEIGNEUR ! Sauve-moi, mon Dieu ! toi qui frappes tous mes ennemis à la mâchoire et casses les dents des méchants.
9Auprès du SEIGNEUR est le salut, sur ton peuple, la bénédiction ! Pause.
TOB (2010)
Tant de paroles dans la bouche ouverte du monde
Toi tu es dans le silence sans rien dire comme une pause
Et moi je dis, comme eux, le cri d’une victoire.
Je force ta pause insoutenable
Ton silence insoutenable
Alors je me sens guerrier soudain
J’arrive à les faire taire tous
Cassant leurs dents
Brisant leurs crânes
Mais toi pour tous tu es un fragile salut
Et toi pour tous tu risques une bénédiction
Sans bouclier sans gloire
Et toi dans la pause de ta souffrance
Tu dis l’humble parole de ton amour
Tu risques les mots friables d’une bénédiction
Sans bouclier, sans gloire
Juste dans la pause d’un silence de tendresse
Dans la pause d’une larme
Sur nos cris de violence
Gérard Scripiec
Réécriture du psaume par Yves Ughes
Même exercice pour le passage concernant la rencontre de Jésus et de la Samaritaine, dans l’Évangile de Jean, 4, 3 et suivants:
3 Jésus quitta la Judée et regagna la Galilée.
4 Or il lui fallait traverser la Samarie.
5 C’est ainsi qu’il parvint dans une ville de Samarie appelée Sychar, non loin de la terre donnée par Jacob à son fils Joseph,
6 là même où se trouve le puits de Jacob. Fatigué du chemin, Jésus était assis tout simplement au bord du puits. C’était environ la sixième heure.
7 Arrive une femme de Samarie pour puiser de l’eau. Jésus lui dit : « Donne-moi à boire. »
8 Ses disciples, en effet, étaient allés à la ville pour acheter de quoi manger.
9 Mais cette femme, cette Samaritaine, lui dit : « Comment ? Toi qui es Juif, tu me demandes à boire, à moi, une femme, une Samaritaine ? » Les Juifs, en effet, ne veulent rien avoir de commun avec les Samaritains.
10 Jésus lui répondit : « Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : “Donne-moi à boire”, c’est toi qui aurais demandé et il t’aurait donné de l’eau vive. »
11 La femme lui dit : « Seigneur, tu n’as pas même un seau et le puits est profond ; d’où la tiens-tu donc, cette eau vive ?
12 Serais-tu plus grand, toi, que notre père Jacob qui nous a donné le puits et qui, lui-même, y a bu ainsi que ses fils et ses bêtes ? »
13 Jésus lui répondit : « Quiconque boit de cette eau-ci aura encore soif ;
14 mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; au contraire, l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source jaillissant en vie éternelle. »
15 La femme lui dit : « Seigneur, donne-moi cette eau pour que je n’aie plus soif et que je n’aie plus à venir puiser ici. » (TOB)
Réécriture
J’ai laissé ma vie vide sur la margelle des puits d’habitude
J’ai laissé le plein midi où je me cache loin des autres au village alors silencieux
Et j’ai reçu ton regard sans jugement
Et l’eau fraîche de ta parole
Et je sais que je ne reviendrai plus
Puisqu’à jamais une lumière une chanson m’ont abreuvé
Gérard Scripiec
Brouillon poétique
Poème de Marie-Christine Gay
Dans la grotte noircie par la lumière
mon chemin se voile
j’imagine une brèche de silence
au milieu de ton jardin fleuri
*
J’ai vu mon cher enfant disparu
incrusté au plafond d’une église romane
*
Son visage de pierre me sourit
sur le masque figé
ses yeux ensommeillés
s’imprègnent sur ma rétine
*
Dans mes jours incertains
elle me protège des lames du destin
malgré les lourds nuages porteurs de pluie
*
Aujourd’hui
l’allégresse s’est enfoncée en moi
voie lactée d’un nouvel univers
source intarissable de renaissance.
– Le Festival « Palmes et psaumes », à Cannes
Pour lire l’article paru sur le Forum Protestant,