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– Échos d’un Festival heureux de poésie de la foi. 7. Paraphrases du psaume 23, par Yves Ughes

De nos jours le mot « paraphrase » a une mauvaise réputation.  Une réputation presque aussi mauvaise de celle du mot « poésie ». Quand un professeur corrige un commentaire composé et qu’il raye d’un trait rouge et rageur un morceau de paraphrase, c’est très mauvais signe. Cela signifie que l’élève a redit avec nombre de maladresses ce que l’auteur du texte proposé avait si bien exprimé. Paraphrase, il s’agit d’un mot-procès, d’un mot-couperet ne supportant pas de discussion. Mais la vie du langage est telle qu’un mot peut être polysémique et que sa fortune varie au gré des siècles. Si nous remontons dans le temps, nous pouvons nous rendre compte que la paraphrase a été – dans un lointain passé certes, mais tout de même- chargée de connotations positives et d’une dimension spirituelle affirmée. 

Il en va ainsi des deux pièces « sacrées » de Racine : ces oeuvres peuvent être considérées comme des paraphrases de textes bibliques. Blaise Pascal avec son «Abrégé de la vie de Jésus-Christ », s’est essayé à une synthèse risquée des Évangiles, et ce fut pour lui un exercice d’ascèse et d’écriture, d’ascèse en écriture. Clément Marot -par ailleurs auteur de textes grivois- s’est plu à cultiver la paraphrase -et  avec bonheur- au point de publier un psautier complet. Drelincourt et nombre d’autres chrétiens et protestants ont mis leur foi à l’épreuve en paraphrasant les psaumes. Et l’exercice vient de loin, des profondeurs d’une tradition judaïque qui relevait du commentaire. Loin d’être une pratique condamnable, la paraphrase se présentait alors comme un exercice d’appropriation de la Parole. 

De nos jours encore, cette discipline littéraire, marquée par la foi, perdure et dans le meilleur sens du terme. En témoigne le corpus sur lequel nous nous proposons de travailler. Nous partirons du psaume 22, ou 23 selon la numérotation hébraïque. Et notre problématique sera simple : démontrer que la paraphrase est à la fois un exercice de liberté, de création, une démarche spirituelle. Quelle soit plus ou moins réussie et accomplie est une autre histoire. Si nous voulons lire les paraphrases avec pertinence, il nous faut relire le psaume originel. 

Nous allons approcher cinq auteurs qui ont paraphrasé ce psaume. Les voici donc, très rapidement présentés.

  • Paul Claudel. Pour lui la lecture de la Bible  est la possibilité donnée « d’accueillir et entendre, ensuite commenter et interroger. »[2] En ce qui concerne les psaumes, il prolonge cette pratique de lecture par la nécessité de répondre. 
  • le cantique de Jef Mathouret, organiste et musicologue. Nous verrons que cette dimension musicale est importante. 
  • Les chansons de Jean Debruynne. Auteur de plusieurs cantiques et chansons religieuses. 
  • Les chants psalmistes de Claude Bernard, auteur notamment d’un ouvrage intitulé Chanter notre aventure. 
  • Enfin un poème de Paul Baudiquey, prêtre du diocèse de Besançon, excellent connaisseur de l’oeuvre de Rembrandt. 

Ces textes couvrent un éventail temporel qui s’étend de 1947 à 1988. Avant d’aller plus loin, écoutons les premiers versets de chacun. Cette lecture nous permettra de percevoir la diversité des approches.  Leurs tonalités variées nous mettront en éveil sur la richesse de la démarche. 

Avec ces premiers versets, tout est dit de la diversité créative que suscite le psaume 23. Ne fût-ce que dans l’énonciation : « Je », « Tu », « Moi », « Toi », « Tu ». Il ne s’agit pas simplement de pronoms personnels ni d’une remarque purement grammaticale. Le style est ici révélateur d’une façon de se situer, mieux encore une façon d’ÊTRE avec l’Éternel. 

POINTS COMMUNS ET CONSTANTES 

Demandons-nous tout d’abord quels sont les points convergents dans toutes les réécritures ? Quelle est la constante ? Quels sont les points invariants ? La réponse est claire : deux aspects majeurs se tiennent en opposition dans la profondeur des textes, ils se concentrent en deux images : la « vallée d’ombre » et les « verts pâturages ». On pourrait classer cette évocation de la mort par degré d’intensité : avec Paul Baudiquey elle s’exprime par une étrange  périphrase:

Paradoxalement, la mort est évoqué en plein midi. Mais l’on sait bien, et Camus l’a confirmé, que le soleil peut être tragique. La mort  est plus ou moins concentrée  dans les autres textes : avec Marthouret, la forme est atténuée : 

De même chez Claude Bernard :

Mais elle peut prendre une forme cauchemardesque, avec Debruynne l’image devient ainsi concrète et physique : 

Chez Paul Claudel, l’expression en est même redondante : 

Et cette insistance souligne la densité de l’angoisse. Ainsi les psaumes réécrivent-ils l’angoisse première de notre finitude. Le point constant et névralgique des psaumes se situe dans l’inquiétude voire dans les tourments suscités par la peur d’une fin annoncée. En un certain sens les psaumes nous placent dans la nudité de notre condition humaine. Mais les vallées, fussent-elles dominées par l’ombre, sont les lieux de traversées. Tous les psaumes ici présentées sont des textes de dépassement de la peur. Une mise en marche un désir de foi en la vie, un appel lancé vers l’éternel. 
Chaque évocation de la vallée obscure est presqu’aussitôt prolongée par un basculement, un mouvement de vie qui s’exprime par des connecteurs d’opposition : mais, des verbes : Je ne craindrai plus rien, des phrases entières : ça ne fait rien, je ne craindrai plus rien. Chaque texte est donc un Itinéraire qui va des tourments personnels et qui tend à percevoir la présence de l’Éternel, s’en approcher pour finalement déborder dans la louange. 

Pour être pleinement dans le cadre de notre festival, on peut affirmer qu’il s’agit de poèmes qui, comme tous les poèmes, sont consubstantiels d’une démarche spirituelle. 

Loin d’être des textes figés par le temps, les psaumes se présentent donc comme des oeuvres de tension. Cette relation à l’Éternel, par quelle dynamique littéraire passe-t-telle ? Pour y répondre, nous procéderons maintenant à la lecture de chaque texte. Cette lecture ira à l’essentiel, en espérant qu’elle soit suffisante pour faire apparaître la richesse de chaque démarche. 

  • Quelle dynamique linguistique ? Quelle démarche spirituelle ? 
  • Claudel : De l’aveu contrit à l’infinie miséricorde. C’est un texte de fin de vie et d’emblée l’auteur se situe dans la contrition ; tout est pratiquement dit avec : « Je suis une pauvre bête » Parallèlement, il est le seul auteur évoquant des images de punition : « Ces verges pour me fouetter et ce bâton pour me battre, je les baise avec amour ». Image dégradée de soi. Houlette, verges et bâtons. Expiation. Toute la dynamique verbale s’organise autour de cette démarche douloureuse. Le verbe est retenu, les images sont  raresLa marque principale de cette réécriture se situe dans un mouvement de contraction et dilatation. De punition et de gratitude.. Nous sommes là au coeur d’une vérité qui traversera la suite de notre approche : «  on prie comme on croit ». On réécrit le psaume comme on croit. 
  • De fait, la tonalité est tout à fait différente avec la chanson religieuse de Jean. Debryunne : dès l’amorce du texte une familiarité heureuse et détendue s’installe : «Moi, mon Dieu » ou encore, dans une autre chanson : « Dieu est toujours en avance /pour parler des vacances. » Nous nous trouvons là dans une légèreté assumée et revendiquée : , celle du « Folk-Psaume. » C’est à la fois la force et la faiblesse de cette  réécriture. Elle présente certes de belles intuitions : « Sa liberté me libère ». Elle rend la présence de l’Éternel par des éléments festifs de la vie courante  comme ces «vins  gris pétillants » « l’avenir est son jardin » « tu me prépares un  banquet ». Mais il nous faut bien souligner que, si ce texte gagne en séduction, il perd en démarche spirituelle. Ce n’est pas un  jugement de valeur, mais un simple constat littéraire. 
  • « Tu es mon berger, Ô Seigneur. »  Telle est l’ouverture du texte de Robert Jef Mathouret. Ouverture simple exprimant une relation clairement établie presque dans la force de l’évidence. Dès lors le texte a pour dynamique principale  de glorifier cette paix et ce bonheur donné par la Présence. Les adjectifs qualificatifs abondent : «verts pâturages, eaux limpides, merveilleux festin, ta coupe débordante, ton huile vivifiante. » Nous sommes là face à un texte bienheureux, liant la présence de l’Éternel à un véritable bien être, une joie d’être. Et la musicalité du texte vient conforter et amplifier cette bienheureuse perception du monde. Nombre de vers sont des alexandrins dont on sait la force d’harmonie dans la pratique de notre langue. Ce texte présente une fusion accomplie entre le chant populaire, le psaume et la démarche spirituelle. « On prie comme on croit », vous dit-on. 
  • Avec C. Bernard, la relation semble s’installer comme précédemment, par l’affirmation d’une évidence. « Pasteur d’un peuple en marche/conduis-nous par tes chemins . »

Un guide, une voie tracée, un mouvement donné. Tout est clair. La suite du texte est pourtant marquée par une interrogation qui exprime quelque trouble : « Mais comment reconnaître le Seigneur ? ». Nous retrouvons là au d’une démarche typique du psaume : une attente, un désir, le souhait d’une présence pourtant admise dès les premiers versets. 

L’originalité de cet auteur est de faire émerger dans sa réécriture la présence de Jésus, comme réponse à son interrogation. Dans cette émergence se noue à la fois une grande liberté prise avec le psaume et une grande fidélité inscrite dans une démarche chrétienne. Rappelons-nous les mots de Jésus : « je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi ». [4] Nulle trahison installée dans le texte de réécriture, mais une simple fusion entre les prophéties et les Évangiles. L’audace et la liberté peuvent donc être partie prenante de cet exercice particulier qu’est la réécriture.

  • Avec Paul Baudiquey : La relation est également limpide et directement assumé, par le rapprochement de deux pronoms personnels Je/Tu : « Et je dirai de Toi que Tu es Bon Pasteur » et l’abondance des majuscules donne déjà au texte une dimension d’Arts Plastiques. Ce premier verset relève presque d’un dessin. Avec cet auteur une relation spirituelle de proximité s’inscrit dans le texte, notamment par la création d’images. L’imagination, cette vertu cardinale, affirmait  Baudelaire entre ici dans sa plus belle dimension créatrice. « Tu fais des archipels aux portes du désert ».  « Quand le brouillard d’automne emplit les chemins creux ». La relation au monde est plus qu’heureuse, elle s’avère fertile de part en part. Dans ce monde fécond, fécondé  nous pouvons « Être le commensal de la table opulente ». Voici que tout devient fête, dans le surgissement inattendu de « la vieille Sara » : Tu m’apprendras le rire de sa vieille Sara/qu’on ne peut T’aimer sans rire à cause de TOI ». 

Parvenus au terme de notre modeste panorama, nous pouvons dégager quelques enseignements de ce qu’est la paraphrase et de ce qu’il lui faut mettre en oeuvre pour accéder au titre honorifique de « réécriture », sachant qu’en ce qui me concerne ces deux mots sont équivalents. Il nous faut d’une part souligner l’exceptionnelle variété des paraphrases. Chaque texte est révélateur d’une démarche personnelle, d’un contexte, d’une situation d’énonciation. Par-delà ces données individuelles ou collectives, ces textes sont révélateurs d’une valeur profondément ancrée dans la culture chrétienne, plus encore dans la culture protestante : la liberté d’interprétation (sous réserve de cohérence, bien évidemment) et la liberté de création. Loin de se contenter de reproduire, la paraphrase crée de nouveaux espaces de sens. 

Il nous faut d’autre part souligner que la paraphrase loin d’être une pâle imitation -ou un fade remix pour faire plus moderne- se présente comme un exercice spirituel. Cet exercice prend naissance au coeur de notre condition et du désarroi que toute prise de conscience de notre finitude peut engendrer. Par une pratique de la langue qui relève de la création poétique, elle met en oeuvre une démarche, une quête vers Quelqu’un de plus grand que nous. Parallèlement ou consubstantiellement elle enclenche par les mots un processus d’appropriation qui rend visible ce qui est invisible.

Si l’on se réfère à la phrase de Paul Klee : L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible, 

on peut affirmer que la paraphrase est un art à part entière.  

Pour le festival « Palmes et Psaumes » 

11 – 14 avril 2024. 
Yves Ughes. 

Avec mes profonds remerciements pour Jean-Luc Lorber, pour le corpus établi et sa précieuse approche. 

Jean-Luc Lorber : Les paraphrases du psaume 22, au XXème siècle. Revue des sciences religieuses. 81/3.   2007. https://journals.openeditions.org


[1] Livre des Psaumes. Psaume 23. 

[2] Jean-Luc Lorber : Les paraphrases du psaume 22, au XXème siècle. Revue des sciences religieuses. 81/3.   2007. https://journals.openeditions.org. P. 3 

[3] Gérard Bocholier, Le poème exercice spirituel – Ad Solem Éditions SA. Paris, 2014. 4ème de couverture. 

[4] Jean, 14-6

– Échos d’un Festival heureux de poésie de la foi à Cannes. 6. Galerie de photos, par Jacqueline Assaël

Le cercle des poètes (de la foi) réapparus sur l’Île Sainte-Marguerite
Sylvie Cadier, notre guide au Mémorial Huguenot, évoquant la mémoire des pasteurs emprisonnés sur l’Île, au temps des guerres de religion
Inga Vélitchko lit ses poèmes en russe, Anatole Vélitchko bat la mesure et traduit en rythme, en français

Gérard Scripiec déchaîne l’allégresse:

« Regarde mon cheval… Regarde-le… »

Et Jean Alexandre lui emboîte le pas, déchaînant lui aussi l’enthousiasme, avec son humour, sa verve et son amour des textes
Olivier Millet distille l’évolution de la compréhension de l’histoire de Jonas, chez les poètes, au fil du XVIème siècle et le public, concentré, se passionne devant la finesse de ses analyses, pleines de sens
En clôture du Festival, le parcours d’Yves Ughes en poésie narrative, des Rolling Stones à Bach, « Que ma joie demeure »

– Échos d’un festival heureux de poésie de la foi. 5. Photos, par Anatole et Inga Vélitchko

En route vers l’île Sainte-Marguerite et le Mémorial Huguenot
La Côte d’Azur, vue de l’Île Sainte-Marguerite
Inga au Mémorial Huguenot
Inga en vedette
Anatole aussi
Bientôt un film…
Inga sur la Croisette
Lecture de psaumes bibliques et modernes
Public. Un lecteur du poème de Attila József, « Un psaume tranquille », en hongrois
Silvia Ill: Conférence sur la berceuse de Matthias Claudius
Waltraud Verlaguet: Conférence sur Meschthild de Magdebourg
Poèmes d’Inga Vélitchko en russe et en français: rythmique et émotions
Marie-Christine Gay commentant le psaume 139
Gérard Scripiec, Poèmes
Jean Alexandre, Lettre à l’angelesse

Yves Ughes présentant sur le thème de la gratitude son recueil « à défaut de se faire », avec Clara Campagno

– Échos d’un Festival heureux de poésie de la foi. 4. Textes de l’atelier d’écriture sur thème biblique

Atelier animé par Yves Ughes

Poème de Maria Blasquez

Poème de Marie-Christine Gay

– Échos d’un festival heureux de poésie de la foi. 3. Psalmothérapie (suite), par Marie-Christine Gay

Ce psaume m’a toujours accompagné sur mon chemin spirituel, et plusieurs fois dans ma vie des paroles m’ont été données, tirées de ce psaume, en particulier dans des moments difficiles. Il a été une vraie thérapie spirituelle et je le considère, avec Robert Michaud, Alphonse Maillot ou André Lelièvre, comme le plus beau du Psautier. Il appartient à une collection (Ps138 à 145) dédiée au roi David.

Traduction de la nouvelle Bible Segond © Société biblique française-Bibli’O, 2002

Première édition de la Bible d’étude : sous la direction de Henri Blocher, Jean-Claude Dubs†, Mario Echtler†, Jean-Claude Verrecchia, coordination Didier Fougeras.

D’après Antoine Nouis, ce psaume commence par « la belle assurance de l’omniscience de DIEU », son omniprésence et sa toute-puissance puis suite à la louange, le psalmiste découvre une haine au fond de lui (V21) : il est alors pris de doutes et se fait plus humble et même suppliant.

Souvent les psaumes vont de la détresse à l’assurance, celui-là est à l’inverse. À tel point que certains théologiens ont pensé qu’il s’agissait de 2 psaumes différents.

La connaissance que Dieu a de l’homme est totale, cette totalité s’exprime au moyen d’oppositions et d’une anaphore « tu sais » : rien ne t’échappe.

Dieu nous connaît : 

  • Tout d’abord au niveau physique :
  • Puis Dieu nous connaît au niveau psychologique :
  • D’autres expressions montrent la transcendance de la connaissance de Dieu : 

Dieu n’a aucune limite temporelle ou spatiale, il est toujours près de chacun. Il n’a pas le regard d’un surveillant, mais d’un père céleste qui est au côté de son enfant dans la vérité de sa personne, et dans tous les actes les plus humbles et les plus banals de sa vie et à plus forte raison ses manquements. Dieu connaît tout de ses blessures et de ses désirs.

Trois anthropomorphismes (souffle, main, main droite) le démontrent dans les versets 7 et 10: 

Il est impossible d’échapper à Dieu où que l’on soit au niveau vertical :

Au niveau horizontal, les ailes de l’aurore sont une image poétique qui évoque l’orient et l’au-delà des mers évoque l’occident[1]

L’utilisation d’une figure de style comme cet oxymore vise à renforcer l’étonnement de cette présence de Dieu. Cette omniprésence de Dieu pourrait faire peur mais cil s’agit d’une bonne nouvelle, car il n’est pas de lieu ou l’on ne puisse saisir la main que le Seigneur ne cesse de tendre. Dieu est présent même au séjour des morts, on peut voir une analogie avec la mort et la résurrection du premier-né d’entre les morts. Le chapitre se termine par une espérance même si l’on est plongée dans les ténèbres, Dieu est encore là et l’on reste toujours sous son regard lumineux.

  1. Les versets 13-15  est un cri d’admiration devant le chef d’œuvre de la création ;

Le psalmiste découvre que Dieu était présent dès sa conception dans le ventre de sa mère. 

Puis il découvre qu’il est aimé de Dieu et qu’il est une créature merveilleuse tel qu’il est. 

Les enfants sont conçus dans le secret du lit conjugal et c’est dans le secret que s’établit notre relation à Dieu 

La conception mythique de la terre-mère établit un parallèle avec le sein maternel.

  • Les versets 16-18 : Représente la merveille de la création de l’homme.

Ces versets évoquent la pleine connaissance que Dieu a de l’homme, merveille de la création, aussi bien avant sa conception que dans le déroulement de ses jours.

L’homme est à la fois pleinement libre et totalement entre les mains de Dieu

Dieu connaît absolument tout de nous, en revanche il reste pour nous une énigme. (V17-18)

Cette contradiction entre la liberté totale de l’être humain et le fait d’être totalement entre les mains de Dieu donne encore plus la certitude de l’impénétrabilité des pensées de Dieu. Plusieurs interprétations de ce chapitre nous mettent devant le mystère de la révélation progressive de Dieu aux hommes.

La dernière strophe est remplie de violence et elle se divise en deux sections

1/Versets 19-22 : Malheur pour le méchant.

Au verset 21 et 22 l’orant ressent une haine implacable pour les ennemis de Dieu. La répétition à quatre reprises des mots « détester », « dégoût pour l’ennemi » montre l’intensité de cette haine :

Après s’être laissé habiter par la présence du Seigneur, le psalmiste découvre cette haine au fond de lui, ce qui le rend plus modeste et suppliant.

2/Versets 23-24 le bonheur pour l’orant.

Et au verset V24, il le prie de le conduire et de le guider sur le bon chemin

Je terminerai sur cette question : sommes-nous vraiment imprégnés dans le fond de notre cœur de ces grandes vérités ? Et un souhait : Laissons-nous conduire et instruire par l’expérience de ce psalmiste anonyme pour guérir nos blessures et mettre notre vie dans les mains de Dieu et utilisons le psaume 139 comme un puissant remède de guérison intérieure : psalmo-thérapie. 

Robert Michaud, Les psaumes, éditions Paulines.

Alphonse Maillot et André Lelièvre, Les psaumes, Genève, Labor et Fides.

Antoine Nouis, La Bible commentaire intégral verset par verset : 3 les livres poétiques, Olivétan/Salvator.


– Échos d’un festival heureux de poésie de la foi. 2. Psalmothérapie, par Christian Barbery

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Le psaume 51 est attribué au roi David. C’est un psaume de pénitence et il est rattaché au péché de David selon ce qu’en dit 2 Samuel au chapitre 12, à savoir lorsque David fait tuer Urie pour prendre Bethsabée.

Certains exégètes indiquent que ce psaume est le fruit d’une tradition orale qui n’a cessé au fil du temps de l’enrichir jusqu’à sa rédaction finale, sans doute au moment de l’Exil, ce qui se confirme par la présence des versets 20 et 21 :

Si je mentionne ces détails exégétiques, c’est non seulement pour souligner la cohérence du psaume, mais pour entrer dans le sujet par l’’angle d’attaque que je voudrais développer maintenant, à savoir : comment une prière personnelle peut-elle devenir une prière collective ? Et à l’inverse : comment une prière universelle peut-elle devenir une prière personnelle ? 

Cette question me semble importante car elle souligne une communion humaine devant Dieu, communion par delà le temps et l’espace, transcendant les particularités et différences de chacun. Et cette communion fait que l’on peut investir des mots anciens et des phrases qui ne sont pas les nôtres. C’est ce qui se passe dans le culte dominical mais aussi chaque fois que l’on découvre avec joie un poème ou un texte qui nous parle au plus profond de nous-mêmes.

C’est ce qu’avait très bien dit Saint Athanase d’Alexandrie, Père de l’Église du 4ème siècle, à propos des psaumes :

(Lettre à Marcellin de notre Père Saint Athanase, archevêque d’Alexandrie, sur l’interprétation des Psaumes. Partie XII,1, les psaumes, miroir de l’âme.)

Et encore :

(Lettre à Marcellin, XII,1.)

C’est une citation un peu longue mais elle a le mérite de montrer deux dimensions des psaumes : la dimension spirituelle, voilà pourquoi je n’hésite pas à parler de «psalmothérapie » dans le sens où l’enjeu du psaume est une guérison de l’esprit, mais aussi du corps et de la psyché. 

Et dimension éthique aussi, en ce sens que la prière exprime une adhésion à la volonté de Dieu et une décision de tout mettre en œuvre pour lui obéir. 

Je voudrais maintenant passer si je puis dire aux travaux pratiques, à savoir : comment recevoir le psaume 51 ? Comment le recevoir aujourd’hui et faire nôtre ce psaume ? Quel effet miroir a t-il sur nous ? En quel sens est-il chemin de guérison ? Psalmothérapie ?

Ce qui me frappe dans ce psaume c’est le vocabulaire lié au péché. Normal, c’est un psaume de pénitence.

Mais il y a comme un retour obsessionnel du vocabulaire lié au péché.

C’est aussi un appel au secours :

Le péché, le tort, la faute, le mal, tous ces mots signalent d’un côté une reconnaissance du mal commis et de l’autre une impossibilité douloureuse de s’en débarrasser par ses propres forces : 

On est dans la douleur à tel point que ce péché, cette faute, sont présents dès la naissance, dès la conception, ce que  l’on peut lire comme une référence à la doctrine du péché originel, chère à St Augustin.

Comment actualiser cette conception du péché originel ? Peut-être en insistant sur l’expérience qu’exprime le psaume ? Car il s’agit d’expérience. Cette question est intéressante car elle convoque la vision que nous nous faisons du péché aujourd’hui et qui a considérablement évolué au cours des siècles, ne serait-ce que par l’apport au 20ème siècle de la psychanalyse, de l’anthropologie et de la théologie qui insistent plus sur l’être pécheur que sur le péché.

Mais avant de répondre à cette interrogation, remarquons que dans ce psaume, ce qui est demandé de la part du psalmiste, c’est un pardon s’exprimant essentiellement en terme de purification :

D’un côté un univers d’angoisse et de ténèbres, de l’autre une Espérance de pureté et de lumière.

Il n’est pas simple aujourd’hui de parler de pureté et de purification car ce vocabulaire n’a pas bonne presse, et pour cause, il a servi dans l’histoire à justifier beaucoup d’exactions commises quelquefois au nom de Dieu, au nom d’une race ou d’une idéologie. Et dans les psaumes eux-mêmes, on ne peut compter les appels à la destruction et à l’écrasement de l’ennemi, de l’impie, de celui qui représente la souillure. 

Alors comment lire ? À quel niveau recevoir cette conscience douloureuse du péché et cet appel à la purification ? C’est Ici que Saint Athanase me semble d’une grande modernité. Les paroles du psaume 51 et en particulier quand elles abordent le péché, nous renvoient à ce que nous avons de plus profond et de plus obscur en nous-mêmes, à savoir notre indignité fondamentale devant Dieu. Et cette indignité se joue ici à 3 niveaux :

– le niveau de la faute éthique, qui est sans doute le niveau le plus repérable : nous commettons, nous avons commis des fautes, de même que David a commis une lourde faute. Et ces fautes, nous pouvons et devons les reconnaître. Nous ne pouvons pas toujours réparer le mal commis mais nous pouvons identifier ces fautes, les avouer et demander pardon.

Le second niveau est plus profond puisqu’il s’agit de cette prise de conscience de notre capacité à faire le bien que nous voudrions faire et à ne pas faire le mal que nous ne voudrions pas faire. C’est la formule de l’apôtre Paul.

C’est donc la prise de conscience de cet être pécheur devant Dieu, prise de conscience qui donne le ton de la prière et de l’appel au secours: 

Mais il y a un troisième et dernier niveau de lecture du psaume 51 qui renvoie à un sens encore plus profond et qui est celui sur lequel se vit et se traduit cet être pécheur.

Avant d’en arriver à la confiance devant Dieu, à l’appel au secours, le péché se vit sur le mode de la culpabilité et de la souillure, souillure d’ailleurs congénitale :

Je ne suis pas certain qu’il faille lire là un acte d’accusation, mais plutôt la prise de conscience douloureuse du néant de l’être humain car il me semble que si nous nous laissons atteindre par ce sentiment de néant, c’est là, en ce point  précis que Dieu vient nous chercher pour nous faire remonter des ténèbres de l’angoisse à la lumière de l’espérance. Car c’est Dieu lui-même qui descend dans ces ténèbres intimes de l’être humain pour lui enseigner le chemin du retour. Le Christ n’est il pas « descendu aux enfers » comme le dit le Credo… pour nous en faire sortir…

C’est une expérience universelle : qui n’a pas connu dans sa vie de ces moments où, en dépit de la foi, il se sentait écrasé à jamais par une irrémédiable faute qui engendre un sentiment de culpabilité ? Un passé trop lourd à porter, une faute personnelle ou ancestrale  dont le souvenir reste douloureux ou encore une consigne si tragique de sa propre condition humaine qu’aucune Parole de pardon ne peut, sur le moment, apporter la paix ?

C’est là qu’un psaume comme le psaume 51 vient nous rejoindre et qu’il peut devenir le nôtre, dans la mesure où il part de la plus noire désespérance de l’être humain, désespérance qui peut prendre une forme pathologique avec cette obsession de la souillure.

Il me semble intéressant de constater que les Pères de l’Eglises avait déjà découvert dans leur lecture des psaumes un chemin de guérison possible – Athanase, un psy avant l’heure? 

Et puis, de toutes façons, ce chemin de guérison s’adresse à nous tous, en ce que nous avons de ténébreux, et en ce que nous sommes, que nous le voulions ou non, que nous en ayons conscience ou non, des êtres d’angoisse. 

Et si ce psaume commence par un cri exprimant cette angoisse, par un aveu, par un appel à l’aide, ce qu’il exprime est bien ceci : voici l’humain que je suis, voici le Dieu que tu es. Toute mon espérance tient en ce que Tu es et non pas en ce que je suis. « Coram Deo » aurait dit Luther.

Extraordinaire espérance d’un pécheur, extraordinaire espérance d’un peuple en Exil, relativisant les sacrifices cultuels parce que découvrant, à la suite dOsée, que ce ne sont pas les sacrifices que Dieu demande, mais une véritable conversion du coeur.

Extraordinaire espérance enfin des chrétiens qui ont prié, chanté ce psaume, le lisant à la Lumière du pardon total réalisé en Jésus -Christ.

– Échos d’un festival heureux de poésie de la foi. 1. Fruits de l’atelier d’écriture « Expression de la foi »: poèmes de Gérard Scripiec, Hubert le guitariste et Yves Ughes

– Jean-Pierre Blanche, peintre de la poésie des alentours, par Pascale Cougard

EXPOSITION JEAN-PIERRE BLANCHE

Poésie & lumière

Musée Regards de Provence

1er décembre 2023- 21 avril 2024

Nous quittons la vaste esplanade blanche éblouissante de soleil, au bord de la mer couleur des yeux pers de la déesse Athéna, devant le Mucem, pour,  traversant la rue et descendant un escalier, entrer dans le musée Regards de Provence, installé dans l’ancienne Station Sanitaire Maritime dont le projet architectural fut conçu par Fernand Pouillon.

Sitôt la porte d’entrée poussée, c’est l’éblouissement des bleus de la mer et des ciels peints par Jean-Pierre Blanche.  Nous pourrions croire avoir été  initiés à sa peinture par les formes pures de l’esplanade longeant l’entrée du port de Marseille. Bien plus encore, nous sommes invités sans transition à franchir le pas entre la réalité et l’art et ainsi à vivre l’expérience d’être plongé dans la réalité recréée du tableau : un monde intense et apaisé où le cadre, à hauteur de regard, révèle le chant des lignes et de la couleur, de la lumière et de ses ombres – et nous sommes encore au bord de la mer Méditerranée, à Marseille, ou Palavas, mais alors dans la douceur, l’élégance et le mystère de son essence. Nous sommes dans l’univers d’un peintre discret et fécond, dont toute la vie fut une quête  persévérante et passionnée de la représentation de ses alentours.

Il aura fallu toute la variation des formats, des supports – toile, panneau, carton, papiers –  sur lesquels le pastel à l’huile ou le pastel sec ont là travaillé à l’infini les nuances, jusqu’à ce que la matière bleue ou blanche ou dorée – avec deux touches vertes qui font une barque ou une flaque rose devenue ombre fantasmatique – apparaisse comme tissée d’air, vibrant de chaleur et de lumière. Nous plaçant dans la matière du monde. Nous faisant entrer dans la vision poétique de ce bord de mer géométrique que dessine la ville et que l’on est invité à regarder depuis un mur blanc aux lignes pures,  de balustrades fines ouvrant sur le mouvement de la mer, de rampes d’escalier désignant mystérieusement l’ailleurs, d’un premier plan de rocher blanc où la pierre noire a creusé des ombres : ville et mer, terre et ciel dans le rythme subtil des touches de couleur  où danse la lumière. 

Nous voilà entrés dans le silence des choses où résonne la conversation menée durant tant d’années par le peintre au grand âge qui nous a quittés il y a peu. Et voilà que la douleur nous quitte. Entrer dans les œuvres qui nous regardent et nous invitent à la beauté est une grâce renouvelée de salle en salle. Dont nous approchons avec gratitude. Car ce que le peintre nous donne, encore et encore, c’est la trace de son âme.

En sortant de l’ample salle  qui nous a accueillis en nous attirant dans l’univers de la mer Méditerranée – selon le génie du lieu d’exposition – nous quittons ces premières émotions, ces premiers ravissements, pour découvrir l’exposé d’une vie, d’une trajectoire et, guidés par le commentaire de Michel Hilaire, le conservateur du Musée Fabre de Montpellier qui fut si important dans la construction de l’artiste, nous repartons au début d’un parcours. Avec des dates, des noms, quelques anecdotes nécessaires pour comprendre l’itinéraire d’un artiste attiré tout jeune par le dessin et la peinture.

En témoigne une petite peinture datée de 1941, le peintre a 14 ans, une Etude de chaise avec un chat, dont on se demande, rétrospectivement, si ce n’est pas l’ébauche un peu maladroite d’un autoportrait ! La lumière du foyer de la cheminée devant laquelle le chat s’enroule sur la chaise, tout en nous regardant de ses yeux noirs, a sauté sur le pelage brun et sur les murs en harmonie un peu sombre. 

Ce goût des formes et des couleurs vibrant dans la lumière va se chercher, s’affiner, s’inventer, au contact des œuvres de Delacroix, Bazille, Berthe Morisot, Bonnard et les peintres de la seconde école de Paris, Bazaine, Manessier, Singier, Le Moal qui se réclament de lui, des professeurs de l’école des Beaux-Arts de Montpellier puis de Paris, avec Bernard Buffet et Walter Spitzer comme condisciples, l’ami Bioulès, plus jeune,  qu’il a initié au dessin, demeurant tout du long un compagnon en peinture.

C’est le prix Abd-el-Tif qui en 1955 lui ouvre un séjour de deux années  dans la lumière algéroise, à la quête de ce qui l’appelle : le dessin s’aventure à des personnages emblématiques bien sûr, racontant l’Algérie, la gardienne de la villa aux sourcils inquiétants, un jeune Kabyle, des  arabes, un pêcheur, un notable de Tipasa. Mais déjà  la préférence choisit des lieux : la silhouette d’Alger, la casbah, une rue, un restaurant, une mosquée, et  des choses alentour – les oursins et coquillages des filets du bord de mer, le Sahel et ses infimes trésors d’herbe, et les arbres des forêts où le jeune peintre demande naïvement à être conduit par les fellaghas qui protègent celui qu’il prennent pour un fou mystique, un majnoun. La touche, vivement colorée, évoque Bonnard, tandis que la puissance assurée du trait fait naître des portraits d’une finesse lumineuse, dont l’autoportrait côtoyant le portrait de Claire, sa femme. Ou les portraits des enfants de la famille Bioulès  et ceux des enfants de la famille Huyghe.

Et soudain, au tournant de la troisième salle, sur le mur de droite, face aux derniers tableaux de la période algéroise, sept tableaux, dont on perçoit d’emblée l’unité profonde d’un style qui a surgi. Encre et lavis, fusain, fusain et pastel mêlés. Nous comprenons alors que nous avons appris de tableau en tableau à déchiffrer une musique qui jouait ses gammes, qui recherchait ici et là, assimilait les leçons des peintres dans les musées et les ateliers et de la magique lumière sur le motif.

Le peintre est arrivé en son lieu idéal personnel, – non seulement celui du Mas Basile habité un temps près de Montpellier, entouré de garrigue, mais plus définitivement la demeure du Pont-Rout, dans les alentours d’Aix, à la lisière de la ville et de la campagne. Un lieu idéal intérieur, un lieu d’air et de paysage, dont il va explorer attentivement ce qui converse avec lui. Il a trouvé la demeure qui ouvre sur le jardin, dans la lumière filtrant à travers les persiennes de l’atelier, les formes apaisées, la disparition des figures anecdotiques pour dire le monde.

La seule figure c’est désormais la maison, ce qui la constitue, ce qui l’habite et ce sur quoi elle ouvre, aux alentours ou un peu plus loin : ses formes – la bastide, l’orangerie – entraperçues à travers des voiles de feuillages, ou dans la transparence de l’hiver, ou au bout d’une allée, dans le croisement des chemins, ses fenêtres qui rythment  la façade, dans le chant des saisons modulé en couleurs, de jour et de nuit en noir et blanc bien souvent aussi.

Tout autour c’est le champ et sa folle avoine, un univers de hautes herbes où le minuscule devient cosmique, dans l’harmonie privilégiée des gris et des ors.  Une efflorescence de graminées haussant au-dessus de la terre leurs flammes graciles. Ou ce triptyque des Roseaux où nos regards se glissent dans les caches secrètes des pousses froissées.

Ce sont les arbres et leur ramure, le tilleul avec ses noirs travaillés en bleu et brun,  et tout particulièrement,  le grand cèdre trois fois centenaire qui a sollicité le peintre dès son arrivée. Cette rencontre a donné lieu à une foule de dessins puis la couleur est apparue dans les lumières de la journée, celle du soir esquissant comme un vitrail traversé de ciel et de branches. Le jaune d’un ensoleillement vif devenant peu à peu une couleur travaillée longuement avec un peu de bleu et de noir. Le tronc souvent, dans sa proximité tactile, ouvre une entrée privilégiée dans le monde du cèdre, le fragment saisi en minutie devenant l’image, flottant toujours entre abstraction et figuration, permettant d’approcher l’essence de l’arbre.

Au hasard des lieux habités, surgissent des arbres remarquables ou la mer, toujours renouvelée, que ce soit celle de la Crau ou des Salines, ou l’océan breton que le coucher de soleil métamorphose en une variation infinie sur la partition d’or du vivant. 

L’olivier devient aussi un sujet de prédilection, cent-soixante fois représenté.  Il est une masse qui vibre, non une boule raide comme de la terre. Les branches se font oiseaux en vertiges, saisies en noir et blanc pour laisser l’espace d’air blanc tournoyer plus légèrement.

Un vieux chêne millénaire rencontré au pied du Mont Ventoux offre sa brancherie d’hiver loin de la banalité des arbres en feuilles,  comme une main ouverte dont les doigts tors dessinent l’espace et le temps, dans la vibration des lumières changeantes.

Un peu plus loin aussi, c’est, fugacement, la montagne Ste Victoire, toute personnelle. Elle n’est abordée que par le détail de la couronne de roche du plateau du Cengle,  cette roche qui est celle, très blanche, du bord de mer, mémoire géologique du massif. Ou encore par le château de Vauvenargues – qui fut  brièvement la demeure de Picasso – blotti dans l’ombre lumineuse des replis boisés du versant nord. Une projection du lieu idéal intérieur du peintre, semblable à ces touffes épaisses d’herbe  sur la dune, le soir.

Il y eut aussi le temps de l’observation passionnée de la couleur de la nuit, de la plus légère à la plus épaisse. Rarement un bout de lune, c’est trop donner à l’anecdote. Entre buissons d’arbres assombris et ciels virant du rose à l’or, dans le long reflet couché de la lumière de l’atelier, parfois la lueur devient un songe surgi du fin silence.  Il n’est alors que d’écouter la Présence.

La peinture de Jean-Pierre Blanche, tout entière conversation joyeuse, exigeante, parfois austère, en un mot, spirituelle, avec les éléments universels de notre monde, nous laisse apaisés, emplis de beauté et de gratitude au terme de notre contemplation de l’œuvre d’une vie de travail.  

                                                                                              Pascale Cougard, mars 2024

Photographies: Pascale Cougard

– La représentation d’Allo Bybol à Calvisson, par Jacqueline Assaël

Le stand des éditions Jas sauvages a installé sa flamme de culture protestante dès le matin parmi les tables de la kermesse. Nous avons rencontré là une catéchète en quête d’ouvrages pour nourrir sa formation des enfants de la paroisse, un ancien pasteur à la recherche de livres pour stimuler ses souvenirs de la langue grecque et susciter de nouvelles réflexions sur la Bible, une connaissance de Jean Alexandre avide de découvrir son dernier livre, Dieu et son aide, convaincue d’y discerner l’humour, l’intelligence et toutes les autres qualités qu’elle lui reconnaît…

L’après-midi, entre repas festif et tirage de la tombola, a eu lieu la représentation de la pièce, avec son caractère joyeux et sa réflexion sur l’écriture des cantiques et la découverte de la foi.

C’était la première fois qu’Annie Coudène et moi allions jouer Allo Bybol dans un vrai théâtre. C’est impressionnant, un théâtre! À tel point qu’un petit garçon voulait fuir la représentation, par crainte d’avoir peur… Heureusement, sa maman l’a amené vers moi pour que je le détrompe. Nous avons fait le tour des coulisses, pour lui montrer que, derrière les rideaux de scène, il n’y avait rien de menaçant, mais seulement des accessoires amusants qui promettaient une belle partie de rire. Le petit garçon, très timide mais convaincu, a alors acquiescé à l’idée de rester dans le public. Ouf!

L’assistance était très nombreuse dans cette grande salle, pour assister à la performance d’Annie, l’enfant du pays. Le public ne s’est pas fait prier pour chanter le cantique Aube nouvelle sur tous les tons, et en définitive dans la version littéraire écrite par le personnage de Luthérine. Il s’est montré très coopératif, lors de la scène interactive de la parabase, où il s’agit de surveiller le standard de Allo Bybol tandis que Luthérine demande de l’aide pour soutenir par le chant et le recueillement la recherche spirituelle d’Angélique. Il a beaucoup ri de tous les effets comiques de la pièce et nous avons eu plaisir à animer cette après-midi avec ce texte posant la question des caractéristiques d’une véritable expression de la foi luthéro-réformée.

Merci à toute l’équipe qui s’est impliquée dans l’organisation de la mise en scène, avec sono et vidéo-projecteur, ainsi que dans le reportage photographique.

Petite galerie de photographies due à Denis Muller