L’événement s’inscrit dans la programmation du Printemps des poètes, sous le lien suivant https://agenda.printempsdespoetes.com/?post_type=event&p=407957










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Lors d’une récente étude biblique dans la paroisse de Marseille sud est, nous avons réfléchi au thème de l’amitié, pour savoir ce qu’il représentait chez les philosophes et dans la spiritualité du Nouveau Testament. Une phase de la réflexion s’est déroulée en petits groupes, autour d’une phrase du philosophe latin Sénèque :
– « Dans quel but te procures-tu un ami ? » – Pour avoir quelqu’un pour qui je puisse mourir, pour avoir quelqu’un que je suive en exil, à la mort de qui je m’oppose.
Même dans ce contexte, Frauke Baymann rétablit toujours le lien de sens avec les questions de la foi. Sa synthèse en atteste.
Notre petit groupe de trois était très hétérogène face l’extrait proposé.
« Dans quel but te procures-tu un ami ? » sonne comme
« Pourquoi tu t’achètes un smartphone ? », une provocation
du même style que celles qu’on peut entendre de nos
jours sur la foi.
Or, la réponse montre que la personne interrogée ne se
laisse pas déstabiliser par cette provocation mais
répond à la fois un brin provocatrice elle-même – « mourir,
s’exilier, perdre quelqu’un » ne semblent guerre enviables –, et à la
fois de façon profonde, en adressant des grandes
questions de la vie : la mort est un scandale, un non-
sens, mais si elle sert à faire vivre quelqu’un d’autre, un ami,
une amie, elle perd son absurdité. S’exiler, tout perdre,
être forcé d’aller vers un avenir incertain et inconnu est
dur mais si l’ami me précède, le chemin devient plus
léger; si je m’oppose à la mort de l’amie, j’œuvre contre
tout ce qui s’oppose à sa vie (la maladie, l’injustice, les
guerres. . .) et donne ainsi un sens à ma vie.
Le pasteur Jean Alexandre, est venu dans notre paroisse de Marseille sud-est nous présenter ses réflexions issues de son recueil « Dieu et son aide ».
Cet entretien s’est déroulé dans un climat de confiance amical et fraternel où chacun et chacune a pu ressentir et comprendre ce qu’est une Écriture pour un peuple : une histoire, un poème, un enseignement.
« Une écriture qui serait ta parole dès que tu la dirais et qui ferait de toi un diseur de Dieu ».
Car ce qui, d’une écriture, fait une parole, c’est le fait de la dire.
En effet, dire Dieu c’est résister, dire non, faire autrement ; c’est le Dieu de l’agir pour pouvoir proclamer :
« J’ai foi en Dieu et je m’engage à le servir ».
L’agir qui te donne force dans ta cellule, clarté devant tes juges, courage devant la mort. Rigueur et vigueur dans le combat pour la justice. La foi consiste plus en un faire qu’en un savoir, en quelque sorte faire du bien à Dieu !
Avec la lecture de la Bible ou son écoute, s’offre une occasion de rencontre :
« J’ai foi en Dieu et Dieu a foi en moi ».
Ainsi une Parole d’hier évolue en une Parole d’aujourd’hui. Les écritures demandent à être lues à long terme en tant que pratique constitutive de notre personnalité, en devenant le nerf de notre mode d’être dans notre monde si mobile.
À la question : Comment dire Dieu, comment dire sa foi ? Il est possible de répondre que la force que porte le Dire de Dieu se nomme « Amour ».
« Tout parleur de Dieu est comme un surfeur, porté dans un filet par ce Souffle, sur la vague immense de Dieu, vers l’inconnu »…
Simon-Pierre Valli s’intéresse à la fois à la Bible, aux langues anciennes et à la poésie. Il nous propose la traduction d’un extrait d’un poète de langue latine, Juvencus, aristocrate d’Hispanie, très probablement premier converti de sa famille, puis prêtre au IVème siècle, auteur de la première célébration poétique de la doctrine du Salut en Jésus-Christ, sous forme de paraphrase des Évangiles. Cette œuvre de plus de 3000 vers s’intitule: Livres des Évangiles; elle date de l’an 325 environ; son auteur s’inspire principalement de l’Évangile de Matthieu.
Le passage constitue une réécriture de l’épisode biblique des Noces de Cana. Simon-Pierre Valli en apprécie le style sobrement virgilien. Il nous introduit dans une grande tradition poétique, puisque Juvencus aura lui-même une grande influence sur Pétrarque.
Cette entreprise de réécriture initiée en l’occurrence par Juvencus, puis la traduction établie par Simon-Pierre Valli constituent en quelque sorte la création d’un relais dans la transmission d’une méditation chrétienne, sous le signe de la beauté poétique. Il n’est qu’à voir les métaphores employées pour désigner le vin, et le souffle qu’elles insufflent à l’évocation de la puissance qui se manifeste à travers le geste du Christ: “écume”, “effluve”… Le vocabulaire suggère la force et le mystère spirituel. La traduction versifiée, artiste, à la fois fidèle et libre, s’autorise quelques écarts justifiés en note.
Cette émission a été enregistrée le 6 octobre, lors du passage des éditions Jas sauvages à Nîmes. Merci à Radio Alliance Plus de proposer des formats d’émission qui permettent un approfondissement des sujets et à la journaliste Christiane Hervaud pour son professionnalisme et son amour de la poésie!
Pour écouter l’émission, cliquer ici, puis sur la petite flèche, en bas à droite, et à nouveau sur la petite flèche sur le bandeau en bas de page.
Échanger sur la poésie et sur l’amitié en Christ : de vrais défis, par Jacqueline Assaël
De nos jours, chercher à communiquer autour de la poésie relève d’un vrai défi. Non pas seulement, comme le disent les Anglais, d’un challenge qui provoque une stimulation devant une difficulté, mais proprement d’un défi. Il s’agit alors d’un combat dans lequel il faut engager toutes ses forces. À l’issue de cette lutte, on saura si l’on a été capable d’établir un dialogue avec quelqu’un d’autre, si l’on a réussi à le placer en situation de partager toute la richesse humaine ou la profondeur de spiritualité que l’on éprouve soi-même à la lecture d’un texte.
Les auteurs des éditions Jas sauvages sont ces sportifs de l’extrême. Yves Ughes se livre souvent à ce type d’expérience dans des salons du livre où les visiteurs passent nonchalamment d’un stand à l’autre en jetant un regard distrait. Il nous a livré notamment ses impressions à la fois désabusées et combatives dans un article précédent de ce site. Lui, le poète, observe avec une attente un peu désespérée et exaspérée ces « badauds qui souvent passent comme balles de ping-pong rebondissant de romans policiers (fatalement), en romans obligatoirement ‘initiatiques’ avant de débouler en ‘héroïc fantasy’. » Peu d’affluence autour de son étal de poésie… Mais les artistes sont quelque peu entêtés et ils ne se rendent pas facilement. Souvent Yves Ughes me raconte ses combats, littéralement, pour attirer l’attention sur sa parole poétique. Je vous partage volontiers l’un de ses récits, épique :
J’ai ensuite participé à la scène ouverte. Et je te la raconte. Elle se tenait sur la place centrale du village historique de Valbonne, là où se trouvent…. tous les restaurants.
Sur le coup, au milieu des bruits de fourchettes et du brouhaha, j’ai failli jeter l’éponge. Puis je me suis mis sous les vibrations de la citation de Boris Vian : « un homme véritable ne fuit pas, fuir c’est bon pour les robinets. »
J’ai donc ramassé toute mon énergie, bien placé le micro et je suis parti dans un numéro très « rock and roll ». J’ai lu avec en tête un rythme de batterie venu des Stones. En gros, je me suis jeté dans l’arène avec la volonté de combattre. J’ai bien senti qu’une qualité d’écoute s’établissait. Mais tout a été confirmé par un discret monsieur qui est venu me trouver au stand pour me dire : « vous avez réussi à imposer le silence sur la place, et votre lecture m’a bouleversé. » Il était tout ému et je l’étais tout autant de son émotion. Nous avons échangé pendant un quart d’heure, puis il m’a dit : « Vendez-moi le livre qui vous ressemble le plus. Je lui ai dit que tous me ressemblaient, mais je lui ai vendu à défaut de se faire. Il est parti ravi de la dédicace et je suis resté pantois sur ma chaise. Une telle rencontre suffit pour donner du sens à ma présence sur le festival.
Sa force est communicative. Pour ma part, je vais plutôt présenter la poésie de la foi en paroisse, plutôt que dans des salons du livre, mais il m’arrive de traverser les mêmes expériences : l’impression de devoir surmonter tous les obstacles de l’incompréhension, du désintérêt et du recul devant l’étrange que représente aujourd’hui l’expression poétique. Et puis finalement, on retient de belles rencontres et d’heureuses surprises.
La situation est à peu près la même quand je suis invitée à parler de l’amitié dans le Nouveau Testament, sujet d’un de mes ouvrages récents. La solidarité, on connaît ; la fraternité, on comprend de quoi il s’agit. Mais le sens spirituel de l’amitié, sa différence avec l’amour… Bien compliqué, non ? Et malgré tout, la conférencière finit par rencontrer des réactions comme des rayons de soleil, qui lui permettent de récupérer des forces intactes pour le prochain défi.
Rencontre poétique à Nîmes
Le week end dernier j’étais invitée à participer à un culte « Café/croissants » dans la paroisse de la Frat’ de Nîmes. La pasteure Iris Reuter se sentait curieuse, depuis longtemps, de découvrir la poésie de la foi des auteurs des éditions Jas sauvages et elle a remarquablement bien conçu cette journée avec tout d’abord des discussions entre paroissiens autour des tables, sur leur intérêt pour la poésie et le rapport de cette expression littéraire avec la foi. Puis elle m’avait demandé d’intervenir pendant le culte, pour exposer les motivations de mon engagement en poésie dans l’Église et enfin, l’après-midi était consacré à la projection sur écran et au commentaire de textes de Jean Alexandre, Michel Block, Étienne Pfender, Julien Nathanaël Petit, etc.
Le matin, j’étais donc assise à l’une des tables, sans rien dire, un croissant à la main, écoutant les réactions des paroissiens. Mes premières impressions ont été celles d’une grande rudesse dans le propos de la première personne qui a pris la parole, et d’une remarquable maturité dans les relations humaines entre tous les membres de la tablée, due sans aucun doute à la pratique régulièrement entretenue des débats d’idées dans la sympathie mutuelle. En effet les premiers mots prononcés ont été ceux d’un rejet calme mais définitif de la poésie, reçue comme parole obscure et prétentieuse, ou comme structure artificielle de rimes et de strophes sans effet sensible. L’affaire commençait mal ! Et puis j’ai été transportée de gratitude, intérieurement, en écoutant les interventions des autres participants qui, sans contester ce point de vue négatif très personnel, ont à leur tour exposé, avec des mots précis, ce que la poésie apportait d’enrichissement à leur réflexion, en matière de méditation biblique notamment. J’ai découvert que certaines personnes, encore de nos jours, lisaient régulièrement, pour leur plaisir, Hérédia ou Musset et j’ai entendu des paroissiens analyser des passages des conversations de Jésus avec Pierre ou Marie comme de vrais textes poétiques où les espaces entre les mots donnaient matière à communion de sentiments.
À travers le texte de l’Épître de Jacques, « Devenez poètes de la Parole » (1, 26), que j’ai commenté ensuite pour justifier, si l’on peut dire, mon activité de poésie de la foi, la pasteure Iris Reuter m’a dit avoir trouvé une expression satisfaisante, sur le plan théologique, de ce que représente pour elle l’énergie de la foi qui propulse un croyant et l’inspire pour porter l’Évangile.
Autour de Laure Gareil (qui a produit un compte rendu de cette matinée que vous pourrez lire dans l’article suivant de ce site), plusieurs paroissiens se sont rués sur le stand et les livres des éditions Jas sauvages. Il est réjouissant de penser que cette rencontre aura ainsi des prolongements à travers leurs lectures à venir et leur connaissance de la spiritualité des différents auteurs.
L’après-midi, à partir de la lecture de divers textes, les paroissiens présents ont découvert une expression de la foi marquée une poésie qui leur était souvent inconnue mais accessible, dense et évocatrice, souvent en vers libres. Nous avons notamment décortiqué ensemble l’art de la métaphore, qu’il est tellement utile de maîtriser pour apprécier pleinement, aussi, le sens des textes bibliques. Les interprétations de chacun ont nourri de beaux échanges et ont fait ressentir l’intérêt de réfléchir ensemble et régulièrement, en paroisse, pour former et exercer sa sensibilité au message de la foi que chacun formule à sa manière, à travers toutes les situations de la vie.
Réflexion sur l’amitié dans la Gardonnenque, à Brignon
Dans la Gardonnenque, où j’ai été accueillie, hébergée, guidée pendant le week end, la chaleur humaine n’a pas manqué. Belle ouverture vers une réflexion sur l’amitié qui a eu lieu le lundi en soirée. Malgré la menace d’un orage cévenol, le public a rempli le foyer paroissial, pour la plus grande satisfaction du pasteur Frank Massler. La publicité avait été bien faite pour la première conférence du cycle de « l’Esprit en liberté » qu’il a mis en place.
J’ai présenté non seulement le contenu de mon ouvrage d’analyse des passages du Nouveau Testament se rapportant à l’amitié, mais aussi deux recueils écrits en parallèle en des temps où je cherchais à m’assurer qu’une communion spirituelle pouvait perdurer dans une situation où le mutisme pathologique d’un des amis installait une distance qui semblait insondable dans cette relation d’affection.
Par moments, le public attentif a semblé être déconcerté par le message paradoxal du Nouveau Testament plaçant l’amitié au-dessus de l’amour dans le passage de l’Évangile de Jean où Jésus confie son Église à Simon-Pierre qui déclare l’aimer plus que les autres disciples et éprouver de l’amitié pour lui (21, 15-17). L’Évangile, comme la poésie, exigent une remise en question de nos habitudes de pensée ! Et la perception de la poésie, spécialement, ne peut se développer qu’à travers la découverte un peu intuitive du sens des mots, avec un esprit disponible, dégagé de l’expression formatée des sentiments. Peut-être est-ce ce qui a été retenu de notre lecture en commun d’extraits de mon recueil Frère de silence qui a suscité des échos chez les personnes ayant eu l’occasion de se heurter à la même situation d’une communication impossible avec un être brisé par les épreuves de son existence.
Pour conclure, une personne dans le public a eu la bonne idée de lire une citation de Sénèque sur l’amitié, retenue depuis sa scolarité, et fort belle.
Après cette séance, un peu à l’écart du brouhaha joyeux de la collation conviviale, j’ai eu la joie de partager encore quelques idées supplémentaires avec tel ou tel.
J’ai eu le bonheur aussi de découvrir le prix que pouvait avoir un livre sur l’amitié dans le Nouveau Testament aux yeux de certains, quand une dame est venue me demander une dédicace avec beaucoup d’hésitation ; elle a en effet pris un assez long temps de réflexion avant de savoir si je devais l’écrire à son nom ou à celui d’une personne à qui elle voulait l’offrir. Mais elle s’est dit que ce cadeau ferait des jaloux et qu’il valait mieux qu’elle garde elle-même le livre et qu’elle le prête à tous les amateurs ! C’est génial ! Un vrai et large partage d’amitié en Christ. J’ai été enchantée d’avoir à lui faire une dédicace à son nom.
Compte rendu de la soirée du 7 octobre à Brignon
par Odile Gaudin
Un petit mot sur l’amitié
Après la conférence de Jacqueline Assaël, juste partager cette pensée redonnée avec mes mots.
L’amitié est un sentiment certes, donné, à un alter ego, qui me permet de mieux me comprendre, mais qui m’engage dans un projet commun, une responsabilité assumée faite de solidarité, de loyauté…
…L’amitié se construit au fil des jours.
Et tu peux ne pas voir tes amis pendant des années mais, quand tu les retrouves, c’est juste, reprendre le fil des plus beaux jours. Et pour les chrétiens, l’amitié est une relation triangulaire : Lui, Toi et moi…
« Devenez poètes de la parole »
Compte-rendu de l’intervention de Jacqueline ASSAËL
au Temple de la Fraternité
Dimanche 6 octobre 2024
l
Temps d’échange informel, autour des tablées, à propos de deux questions :
– En quoi la poésie permet-elle peut-être de dire l’indicible de la foi ?
– Qu’est-ce qui, dans notre lecture personnelle de la Bible, nous a marqués comme expression poétique de la foi ?
Le départ de l’échange d’une des tablées installées au Temple de la Fraternité était l’incompréhension et l’insensibilité que certains lecteurs peuvent éprouver face à la poésie.
Comment lire les Psaumes lorsqu’on est hermétique à leur dimension poétique ?
Peut-être que la poésie existe, en dehors de la lecture ou de la compréhension que nous pouvons en avoir : elle parle de choses très concrètes (chemin, montagne, champs…) qui peuvent avoir une dimension symbolique qui ne s’impose pas à certains lecteurs mais qui existe malgré tout.
Peut-être alors que la poésie échappe alors simplement à certains lecteurs ?
Malgré tout, certains peuvent être sensibles à la poésie en tant qu’agencement inattendus de mots et de réalités qui créent une dimension, un paysage, des possibles qui n’étaient simplement pas envisageables à certains lecteurs si un texte poétique n’avait pas été écrit.
Pour aborder le sujet de la traduction poétique de la foi, certains lecteurs de la Bible ont été marqués par une image récurrente, comme celle de la lumière qui guide et revigore, d’autres par un livre en particulier, comme celui des Psaumes qui délivrent une sagesse de vie ou comme les cantiques qui peuvent toucher par leur dimension musicale, d’autres sont accompagnés par des textes précis qui synthétisent de manière imagée et puissante leur vision du monde, comme : « Nous savons que jusqu’à ce jour toute la Création ensemble soupire et est en travail jusqu’à maintenant » (Romains, 8, 22)
La forme poétique est peut-être celle qui permet le mieux d’exprimer une forme de foi ou de présence divine ?
La forme poétique est aussi diverse à travers le texte de la Bible : elle n’est pas la même dans les cantiques, les psaumes, les proverbes, les paraboles… comme si la variété des formes pouvait correspondre à une variété d’expression de la foi en Dieu ou de sa manifestation aux hommes, comme si elle pouvait permettre aux hommes de mieux retenir la parole divine.
C’est peut-être grâce à cette mise en forme poétique, dont une partie de l’authenticité nous échappe du fait que le texte nous est accessible sous la forme d’une traduction, que nous pouvons si bien nous souvenir de certains passages.
Ainsi, l’un des convives de la tablée se souvenait clairement de deux passages et de deux paroles du nouveau testament. Tout d’abord lorsque Jésus est abandonné par les disciples, au seuil de la nuit sur le Mont des Oliviers, seul Pierre l’assure de sa présence en lui disant : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle ? » (Jean 6, 60-69), propos qui témoigne du soutien de Pierre envers Jésus mais aussi de la force que Jésus incarne. Ensuite la première parole que Marie Madeleine prononce quand elle reconnaît Jésus après sa résurrection : « Rabbouni ! » (Jean, 20, 13-18) qui illustre toute la tendresse et la reconnaissance de l’autorité de cette femme qui s’en remet entièrement à Jésus.
La poésie est-elle alors autant un moyen de dire la foi que de la transmettre à tous ceux qui la retiennent ?
Intervention de Jacqueline Assaël au cours du culte :
– Jacqueline Assaël a esquissé son parcours de vie : elle a vécu les deux tiers de sa vie en dehors de la foi et un tiers de sa vie dans la foi : « Et ça change tout, d’avoir la foi ! » Elle vit la foi comme une assurance, une confiance, une sécurité qu’elle ne connaissait pas avant. La foi lui permet de trouver un sens à la vie, sens qui lui manquait, auparavant. Vivre sans la foi plonge les individus dans une angoisse dont ils ne sont pas pleinement conscients mais qui est bien présente.
– Jacqueline Assaël explique l’interprétation qu’elle donne du « Devenez poètes de la parole » de l’épître de Jacques. « Poète » est à prendre dans le sens étymologique du mot dont il provient : « poète » signifie « créateur » en grec ancien. L’expression « poètes de la parole » signifie à la fois « créateurs de la parole de Dieu » par le fait même que chacun s’empare de la parole de Dieu et la rend vivante en soi et « créateur de la parole de foi » par le fait que chacun peut créer, écrire une parole qui témoigne de sa foi.
– Jacqueline Assaël pense que le travail d’écriture poétique au sein de l’Eglise protestante est essentiel pour permettre à certains, qui vivent dans la foi, d’exprimer leur relation à Dieu et à d’autres, qui sont en recherche de foi, de lire des témoignages personnels. En effet, un athée a constitué un système de pensée cohérent, qui lui correspond. Si un individu lui présente un système de pensée dont les fondements sont théologiques, l’athée s’en détournera parce que ce nouveau système de pensée ne lui correspondra pas du tout et qu’il n’y trouvera pas de sens. Alors que si un athée lit un poème qui témoigne de la foi en Dieu d’un individu, il sera avide de comprendre comment cette foi peut exister, comment elle peut aider quelqu’un à vivre, comment elle peut s’exprimer.
– Depuis qu’elle est à la retraite, elle a développé une activité d’édition de textes poétiques écrits par des paroissiens et des pasteurs qui disent leur foi, leur difficulté à nouer un lien avec Dieu, leur désarroi dans certaines épreuves à travers des textes poétiques. En effet, Jacqueline Assaël pense que la poésie est essentielle pour faire rayonner la foi à l’extérieur de l’Eglise. Son travail d’édition permet de transmettre cette foi vivante, qui s’exprime dans une poésie contemporaine, libre de toute contrainte formelle.
– Jacqueline Assaël donne quelques exemples de questions soulevées par les auteurs de certains des recueils poétiques qu’elle publie : comment continuer à vivre une relation d’amitié avec quelqu’un qui s’enferme dans un mutisme pathologique ? Comment exprimer et vivre le deuil après avoir perdu sa mère ? Comment nouer un contact avec Dieu, lorsque cela paraît difficile et fugace ?…
Les auteurs des éditions Jas sauvages publient aussi ailleurs et nous nous en réjouissons car c’est une manière de diffuser leur inspiration de la foi plus largement encore dans la société.
En l’occurrence, en publiant Comme une envie de caroubes (Éditions de l’Atelier249, Contes, 2024), Yves Ughes marque une étape dans son expression poétique de la foi qui devient plus explicitement référée à la source biblique:
En m’appuyant sur des paroles fortes tirées des Évangiles, je n’ai pas souhaité redire en d’autres termes ce que tel ou tel épisode pouvait exprimer, mais explorer ce qu’ils pouvaient dire de mon histoire intérieure.
Un cheminement s’est donc créé, marqué par l’intériorisation, l’appropriation d’un message.
(Préface)
Le titre du recueil renvoie à l’évocation du fils prodigue, dans l’Évangile de Luc (15,16):
Il aurait bien désiré se rassasier de caroubes que mangeaient les cochons, mais personne ne lui en donnait.
La poésie d’Yves Ughes est toujours marquée par un rapport au corps, notamment au souffle difficile des hommes que la foi embaume et aère:
S’ouvrir à la respiration du soir et accepter les poumons parfumés
Dans la beauté zébrée de bleu de la lecture… du monde
et à la pesanteur de notre matière intérieure:
tant sont lourds reins et viscère
en cette carcasse
de riens et de misères
La tonalité du recueil est donc globalement assez sombre:
La Parole se contorsionne dans l’intestin des jours qui refusent de se nourrir
l’escalier du désert se dérobe
Mais à travers la poésie, le message de l’Évangile diffuse toujours une promesse d’apaisement des brûlures:
La Croix se trouve à l’intersection du Corps
entre la destruction et le printemps des artères
à l’intersection d’une souffrance qui bientôt illuminera la scansion
de ce plateau calcaire
Il sera irrigué par des saisons rhapsodiques.
Avec une illustration de couverture de Coriat, Élévation.
Aquarelles et poésie de la foi
Tous les ans, la paroisse de l’Église protestante unie de Valleraugue, Ardaillès et Talleyrac accueille une exposition en relation avec la foi protestante et elle l’ouvre au public pendant tout le mois d’août. Cette année, ce sont mes aquarelles cévenoles dessinant un parcours vers et dans la foi, ainsi que des textes poétiques issus de trois ouvrages différents (De l’âpreté des drailles, éditions Encres Vives; L’humble beauté de Dieu, Editions Olivétan; Frère de silence, éditions Jas sauvages) qui ont eu l’honneur d’être choisis à cet effet.
Cet événement a tout d’abord mobilisé une équipe organisatrice joyeuse et zélée.
Hélène a posé des affiches dans tous les commerces de Valleraugue et tous les passants dans la rue avaient visiblement été mis au courant d’une manière ou d’une autre de cette invitation.
Noël a recruté des volontaires pour installer les grilles et accrocher panneaux, poèmes et tableaux. Yanick s’est définitivement installée à l’accueil pour guider les visiteurs et proposer les documents en relation avec l’exposition.
Le vernissage prévoyait l’apport d’une nourriture spirituelle que j’ai tenté de dispenser à travers une brève conférence d’ouverture précisant les rapports entre l’art pictural, poétique et la foi protestante, avec une projection de textes de Jacques Ellul, François Cheng et Maurice Clavel et des diapositives montrant le cheminement de l’exposition. Il y avait là une représentante du service culturel de la mairie, férue de peinture et une professeure aux Beaux Arts de Marseille dont les regards de spécialiste m’ont impressionnée; mais leurs commentaires bienveillants m’ont en fait beaucoup encouragée, de même que l’attitude du public, comme celle de Rolande, manifestant son partage au cours de la conférence.
Et Marie a apporté l’essentiel de la nourriture terrestre, avec une sélection de fromages locaux illustrant de manière gustative, en plus des visions picturales et de la musique des mots, la saveur des Cévennes.
Yves s’est approché du buffet en réclamant la Révélation, comme un cri du cœur, ce qui a tout de même rétabli la prééminence du spirituel.
Merci pour ce beau travail paroissial et cet accueil réjouissant de la culture protestante en train de se faire!
Photographies: Yanick Michel, Yves Demange et Jacqueline Assaël