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– Un atelier d’écriture à Marseille, avec Yves Ughes

Yves Ughes nous envoie sa présentation de l’Atelier d’écriture qu’il a animé à Marseille, en mai dernier, pendant le Quatrième Festival international de poésie de la foi.

Vous trouverez ses éléments de méthode ci-dessous.

Six participants (dont Yves Ughes lui-même) se sont engagés dans cette aventure bienfaisante de l’écriture.

Vous trouverez dans une deuxième partie de l’article un florilège d’extraits que nous avons retenus.

Vous pouvez vous aussi jouer le jeu à distance, à votre tour, si vous le souhaitez, et nous envoyer vos textes.

L’atelier d’écriture du Festival international de poésie de la foi 

Marseille, mai 2023

Par Yves Ughes

I) Définir un atelier d’écriture 

« Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur du monde »  affirmait Albert Camus. 

Partant de ce constat nous pouvons dire que l’expression « Atelier d’écriture » est plutôt bien choisie, formulée avec précision : le mot atelier présente une connotation artisanale bienvenue. 

De fait, il ne s’agit pas de former des écrivains, des poètes mais de (re)donner les outils nécessaires pour une réappropriation spécifique de la langue. 

Cette langue, on le sait depuis Ésope, peut être la meilleure et la pire des choses. 

En effet, en tant qu’être parlant nous ne sommes pas à l’abri de voir notre langue se figer, se contracter en pratiques mondaines et/ou totalisantes, voire totalitaires. 

Dans la préface de son recueil Lettre à l’angelesse, Jean Alexandre établit le mal de la langue avec clarté : 

« tout le monde parle. Mais pourtant, dans toutes les sociétés, il y a une pesanteur qui fait qu’elle se met à ronronner, à tourner en rond. Et finalement elle ne permet plus d’adaptation au nouveau, elle devient un corset qui force les choses à demeurer en place, suivant les intérêts qui dominent la société en question ». (P.7) 

Pour prolonger cette réflexion citons Christian Bobin, nous parlons -ou écrivons- alors en somnambules, « sans sortir du sommeil de la langue ». (Le Très-Bas, 4ème de couverture). 

Il nous faut retrouver l’énergie salvatrice de l’écriture, l’atelier a ainsi pour but de cultiver une langue par effraction pour répondre ainsi  à la phrase de Franz Kafka : la poésie est un coup de hache donné sur la mer gelée de nos émotions. 

Renouer avec les émotions pour retrouver l’allant perturbateur de la langue et de l’écriture. 

II) La couleur spécifique de notre atelier ? 

Notre atelier s’inscrit dans un festival consacré à la « poésie de la foi ». Les deux mots posent problème et se situent dans une interrogation. La poésie ne peut se définir, sans quoi on la finit ; il en va de même pour la foi. 

Ces deux mots nous renvoient à un questionnement fort : comment dire l’indicible ? La poésie doit exprimer les émotions, qui nous échappent, et la foi ne peut se formuler en mots raisonnables. 

Quels sont les liens qui unissent  pourtant et  sousterrainement ces deux mots ? Cette pratique de la langue et cette force intérieure qui nous anime ? 

Un élément de réponse nous est donné par Jésus lui-même. 

Ainsi pouvons-nous lire dans L’Évangile selon Matthieu : 

Je prendrai la parole pour dire des paraboles

Je proclamerai des choses cachées depuis la fondation du monde. (Matthieu, 13-34) 

Et Antoine Nouis d’ajouter : 

« Les choses cachées depuis la fondation du monde » se révèlent par des paraboles et non par des raisonnements. Il existe un niveau de vérité qui est au-delà de la pensée, qui ne s’exprime pas mais qui se raconte. (A. Nouis, dans Le Nouveau Testament, Commentaire intégral verset par verset par Antoine Nouis, Éditions Olivétan-Salvator, 2018, page 116.) 

Nous allons donc avancer dans cette direction. 

Pour avancer dans le cadre de cet atelier nous allons utiliser toutes les ressources offertes par notre langue, en nous dégageant des carcans conceptuels. 

Laissons parler la musicalité des mots, laissons-nous envahir par notre musique intérieure, qui va nous dicter un rythme qui prendra forme en occupant  l’espace-page, et cultivons  sans frein les images : les paraboles, les comparaisons, les métaphores. 

III)  Les déclencheurs

(Texte de référence : l’Évangile selon Matthieu) 

(Texte biblique tiré de la Nouvelle Bible Second. 2002. Société biblique française.)

  1. Jésus lui dit : les renards ont des tanières, les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de l’Homme n’a pas où poser sa tête. (Matthieu, 8.20 )Sa parole est un évangile du chemin (A. Nouis). Comment et où cheminez-vous avec la Parole du Christ ? 
  1. Mais Jésus lui dit : Suis-moi et laisse les morts ensevelir les morts. (Matthieu, 8.22) vous est-il arrivé d’aller d’un lieu dominé par la mort vers un lieu de vie ? Dites votre cheminement. N’hésitez pas à inventer des lieux symboliques.
  1. Le démon chassé, le muet parla. (Matthieu, 9.33). Quand je suis libéré de mes peurs et de mes démons quelle est ma parole ? Que peut engendrer ce  « je » enfin autorisé  ? (On peut travailler avec l’anaphore, écrire un texte avec un « je » récurrent). 
  1. Celui qui aura trouvé sa vie la perdra, celui qui aura perdu sa vie à cause de moi la trouvera. (Matthieu, 10.40). Qu’est-ce qui se perd ? Qu’est-ce qui se trouve ? (Ce qui se perd aux semailles se retrouve à la moisson. Saint Augustin). 
  1. Alors il dit à l’homme : Tends ta main. Il la tendit, et elle redevint saine comme l’autre. (Matthieu, 12.13). Évoquer ce qui en nous cultive la paralysie, et ce qui nous dénoue. 

6) Le thème de la joie revient plusieurs centaines de fois dans la Bible. Jésus appelle ses disciples à vivre sous un  commandement d’amour, pour que votre joie soit complète (Jn, 15.11) et l’apôtre Paul fait de cette vertu un commandement : Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur : je le répète, réjouissez-vous. (Ph.4.4) . En utilisant toutes les ressources de la langue : musicalité, rythme, images évoquez un moment de joie intense, « pour qu’elle demeure ». 

7) Alors, il leur répondra : Amen, je vous le dis, dans la mesure où vous n’avez pas fait cela pour l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait ». (Matthieu, 25.45) 

En complément : Celui qui n’aime pas demeure dans la mort (1.Jn, 3-14) . Images de la mort actuelle, formes de l’amour…

8) Mais quel malheur pour cet homme par qui le Fils de l’Homme est livré ! Il aurait mieux valu pour cet homme de ne pas être né. (Matthieu, 26-24) Percevoir et dire la dimension tragique de Judas. 

9) les tombeaux s’ouvrirent et les corps de beaucoup de saints endormis se réveillèrent. (Matthieu, 27.52) par le Christ quels sont les tombeaux qui s’ouvrent en moi, quelles sont les peurs qui se libèrent ? 

TEXTES ÉCRITS LORS DE L’ATELIER D’ÉCRITURE 

Tous les textes produits ont leur intérêt propre : Martine Cardi a exprimé avec force son aspiration à une libération, sous de multiples aspects, et Janine Belfils a dit très simplement son besoin d’aimer : « Pour vivre, j’ai besoin d’aimer… »

Jacqueline Dufour a interprété de manière originale l’épisode de la guérison de l’homme à la main sèche, dans Matthieu, 12, 13. Pour elle, cette main, raidie, est incapable de se tendre vers l’autre qui la déstabilise par son indépendance et qu’elle a du mal à accueillir. Mais quelque chose se passe :

Ma main sale, orgueilleuse 

Vacille

Qui suis-je ?

Personne, une étrangère, une inconnue 

La joie est là, perceptible, vivante

Mon esprit vibre

« Oui, oui, venez »

Mes mains redeviennent saines 

La vie, le bonheur m’inondent 

Jacqueline Dufour. (D’après Matthieu, 12. 13) 

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Marie-Christine Gay esquisse aussi une évolution vers la sérénité, à la vue d’un arc-en-ciel, alors qu’elle éprouvait une sensation de déliquescence.

Comment l’exprimer mieux qu’elle ?

mes yeux tombent très bas 

dans les rivières de ma vie 

La nature des flots se transforme ensuite étonnamment et le naufrage régénère le personnage en train de se noyer

sombre mon cœur dans le jour 

les flots me submergent 

une demeure m’accueille

Marie-Christine Gay. 

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Yves Ughes évoque les résurgences de la vie en créant la sensation poétique de ses couleurs saisissantes et en suggérant le mouvement de son souffle inextinguible.

La référence biblique dit sobrement la solidité de la foi.

un éclair et c’est la nuit 

chaque ronce pourtant vient s’enraciner dans des rayons 

faits de miel et de faibles clartés 

un troupeau vient à naître 

un troupeau s’en vient paître 

et les insectes déjà respirent 

enjoués 

couperosés 

comme coquelicots 

vers toujours plus de vent. 

le verbe abandonné est devenu 

pierre angulaire, clé de voûte.           

Yves Ughes 

– Promenade poétique à Notre-Dame de Vie, à Mougins: Écrire avec Yves Ughes

par Marie-Christine Gay

« Ici tout vit cristallisé, si près de Dieu. La terre est un cantique immense au ciel trop bleu. »

Paul Verlet, Extrait du recueil de poésie intitulé « Nostre Dame de Vie », Sept états d’âme

En ce début d’été, le samedi 1er Juillet 2023, lors d’une journée ponctuée de petits miracles, l’association de poésie et musique « Les mots d’azur » a organisé, par l’intermédiaire de sa branche atelier d’écriture «  À mots ouverts », une matinée en écriture sur le parvis de la chapelle Notre-Dame de Vie à Mougins, dans les Alpes-Maritimes. 

Ce lieu n’a pas été choisi au hasard, car une fois sur place on ressent ce sentiment :

« Je connaissais cet endroit hors du temps qui m’avait saisi par sa sérénité accomplie. »

(Alain Sabatier, Préface du livre de Davis Giordanengo et Yves Ughes : Notre-Dame de Vie.)

Un groupe de neuf participants est alors enthousiaste de contribuer à cette aventure novatrice en compagnie des images de David Giordanengo et des très beaux textes de Yves Ughes.

Ce livre a été publié en janvier 2005 aux éditions Tac-Motifs des Régions et résulte de la collaboration entre un photographe subjugué par Notre-Dame de Vie à Mougins et un poète, Yves Ughes.

Présentation du groupe d’écriture

Le groupe, très motivé, participe depuis un an et demi aux ateliers d’écriture «  À mots ouverts » qui ont lieu à Mougins. Durant toute l’année, il s’essaye dans différents styles d’écriture, sous l’impulsion donnée par mes consignes, chaque fois différentes. Pour la 16ème rencontre, c’était la première fois que l’écriture se déroulait dans la nature, dans un lieu de mémoire mouginois. L’atelier en extérieur dans un paysage idyllique a permis de sortir de l’espace clos de l’atelier, et d’aller sur le lieu d’origine des écrits de Yves Ughes.

Dans une ambiance chaleureuse imaginez l’installation d’une table, de chaises de jardin, au milieu d’une nature exubérante. Fermez les yeux et écoutez le chant des cigales et sentez sur votre peau une brise légère. 

C’est moi qui ai imaginé et réalisé ce projet, mais la réalité de ces moments m’a tellement imprégnée que je me suis sentie en osmose dans cette aventure. Cette journée sonnait comme une fête de fin d’année dans l’arborescence et la sérénité de ce lieu. Nous avons eu l’occasion d’approcher ce silence intérieur. Comme le dit François Cheng:

« Et si écrire, c’était tout simplement ne plus taire cette âme en soi ? »

Ce groupe se réunit autour de la littérature, mais n’affiche aucune appartenance religieuse, et ce sujet n’est jamais évoqué explicitement. À notre grande surprise, les textes de Yves Ughes, le regard photographique de David Giordanengo et l’esprit du lieu ont fait apparaitre, dans l’ensemble des textes, une spiritualité sensible et touchante.

Les conversations autour du repas ont été pleines de confidences. Une occasion de se livrer sous le regard bienveillant des autres. Comme le dit Gérard Bocholier dans son livre Le poème exercice spirituel :

 « Qu’il soit croyant ou non, tout poète sent l’existence de la Présence, de ce qu’il hésite à nommer parfois ‘quelqu’un’ et qui n’est autre que tout l’invisible qui le dépasse. » 

Bien conscients de notre chance d’écrire dans ce contexte et sous l’impulsion des textes et des images, les participants ont été surpris par la naissance pour certains d’une écriture différente, chargée de secrets.

« L’écriture a ceci de mystérieux qu’elle parle », dit Paul Claudel.

Entre 10 heures et 13 heures, juste avant un pique-nique partagé, ce fut le temps de la découverte, et celle de larguer les amarres avec Yves. Comme le dit Rilke : « Quitte ta chambre où tu sais tout ». Cet instant de vie nous a permis d’entrevoir une brèche dans le monde de l’indicible.

La méthode

Le point de départ, après une présentation de l’histoire chargée du lieu et de la biographie du poète, a consisté en une véritable imprégnation des textes de Yves Ughes qui dans ce contexte prenaient toute leur dimension et nous emportaient au large. Ensuite chacun devait choisir une photographie illustrée et devait retrouver le lieu dans l’enceinte de la chapelle. 

Catherine concentrée !

Sous l’élan des différentes propositions, chacun devait rapporter au groupe les mots ressentis et inspirés par le lieu de leur photo. Ensuite en groupe, la lecture des mots rapportés permettait à chacun de se constituer un lexique commun et de garder un lexique personnel. C’est à partir de ce matériel enrichi de chaque personne que la vague de l’écriture est arrivée nous bousculant, nous faisant méditer sur le lieu et sur une explication personnelle du monde :

« En partageant la joie, vous la multipliez. Et écrire, c’est partager pour multiplier. » (Christian Bobin)

Les textes produits sont le fruit d’une écriture corporelle et posturale dans le lieu de leur inspiration :

« Le poème, comme la prière, ne peut faire abstraction de ce corps où Dieu a lui-même un jour choisi d’habiter » (Gérard Bocholier)

La production poétique

Je suis heureuse de vous faire partager des extraits du résultat de cette puissante ivresse qui m’a médusée et émue. Il s’agit de premiers jets d’écriture, n’ayant pas eu le temps de la nécessaire réécriture.

Nous en sommes tout de même fiers car ils sont des reflets du débordement de nos cœurs. Dans ce rendu nous mettrons en regard de chaque photo de David Giordanengo (en noir et blanc, extraites du livre), les textes de Yves : « germinateurs » de l’écriture, et bien modestement les productions écrites de nos participants :

De gauche à droite : Ariane Jehanno, Aude Gachet, Karol Padey, Gérard Moreau, Célia Norgiolini, Gwenaëlle Caillibot, Catherine Pallen, Marie-Christine Gay, Jocelyne Tarral, Patricia Rahier. 

« Chacun a une identité d’écriture. Cueillir l’écoute. « Ne méprisez la sensibilité de personne. La sensibilité de chacun, c’est son génie. » (Baudelaire)

Première photographie

Yves Ughes

la tentation serait de n’y voir qu’un fait     une plaie établie sur le confort de nos vies

de n’y voir qu’un signe d’agencement      un geste accompli pour l’ordre

ce serait oublier la déchirure du ciel     et le voile du temple lacéré en son milieu

et les nuages amoncelés

c’est de débordement qu’il s’agit

Catherine Pallen

Avec des mots d’ombre, j’ai gravé sur le mur

les barreaux de la souffrance

les contraintes du temps

le saccage de l’espoir

le gouffre des oublis

les cicatrices du renoncement

Avec des phrases de lumière, j’ai inscrit sur le mur

le chant des arbres, puis celui des cigales

les amours protectrices

le corps de mes plaisirs et l’âme de mes désirs

le sentier de mon avenir.

Deuxième photographie

Yves Ughes

même reproduit sur un vitrail

le feuillage

ne se conçoit

qu’en profusion

il ne saurait définir ce qui en lui

fait chair

Célia Norgiolini

Le charme bucolique

me laisse de marbre

les fissures dans ma voûte

autant de cicatrices

le sang coule

le chant de la cigale

à travers la serrure de mes songes

regard froid

cris et crises

brisent mon âme

le parallèle de ces deux mondes

puis-je me cacher ?

je demande grâce

une virgule pour que mon souffle reprenne.

Les lignes se mêlent

naïf l’enfant intérieur

s’échappe un instant

une aile de papillon

le chant des cigales

une brise légère

recherche du repos de l’âme

le vide m’appelle

se plonger dans la nature

besoin d’évasion

chair de poule

Troisième photographie

Yves Ughes

les arbres même devenus empâtements

de gauche à droite par la rupture décomposés

comme émergeant du bleu froid des désastres

comme dite par une bouche travaillée au crochet

la superbe des corps devinés

liés à la contracture des tôles

mais aussi

la certitude que tôt ou tard il faudrait bien

rendre grâce à Notre Dame de Vie

de cet instant fugace ouvert sur

l’éternité

Gérard Moreau

Ex-voto

C’est un sentier bucolique, un espace de charme avec des arbres perclus de lumière et la stridence des cigales. Tout à cette extase de la nature, oublieux du temps, s’omet la prudence. La vie est contingence, à chaque instant peut se produire un saccage ou un bonheur, une souffrance ou un espoir dans cette chaîne ininterrompue de la ligne du temps. Une rupture et c’est l’ouverture brutale vers le gouffre de l’éternité. Un simple froissement de tôles qui abrège l’existence fragile. Eh, puis non ! dans cet espacement fugace d’incertitude tout s’est joué si vite. La protection divine s’invite avec un saut dans la foi où le corps ne sera pas décharné mais restera vigoureux sans une seule cicatrice pour un mental fort désormais voué au recueillement.

Quatrième photographie

Yves Ughes

lueurs en creux

             posées comme ponctuation

de phrases        absentes

des mots furent nôtres qui se sont maintenant effacés

par    le    déchirement du      regard

retrouver dans l’alignement des mèches

la vrille

             des branches

la ligne des buissons ardents

Gwenaëlle Caillibot

L’étincelle d’une absence

J’ai beaucoup lutté pour ne plus y penser. Je m’étais préparée au renoncement, à ton absence, et ce matin, en quelques minutes tout a basculé. Ton image d’une incroyable douceur, est une inscription indélébile dans chaque battement de mon cœur. C’est une cicatrice en or dans ce tableau naïf de ma vie. Mon regard s’attache dans cette immense quiétude, à chercher sans cesse le soleil à travers les nuages. Chaque clignement de cil, laisse apparaitre une voûte, dont l’ouverture vers l’inconnue me transporte dans une autre atmosphère.

Cinquième photographie

Yves Ughes

que l’ombre pour l’instant se taise

qu’elle ne soit que pause

admise

suspension

Aude Gachet

Initiation

Un papillon, battant des ailes, recherche une ouverture

depuis qu’il a plongé, à travers la serrure

dans les profondeurs de cette Inconnue noire et froide

il espère retrouver la vie à l’extérieur

apercevoir une porte, une fissure

une virgule de Lumière lui montrant le chemin

Happé par ce mystère

désespéré de rester caché, voire oublié

il se met à prier. 

à invoquer

le Créateur, depuis l’abîme de son Cœur

à rendre Grâce dans le Silence

pour cette expérience du Vide

ce voyage en Lieu Saint

La quiétude retrouvée

saisi d’une lueur de génie

il rebondit, jaillit du fonds du puits

brise le miroir des apparences

et reprend son vol, empreint de reconnaissance.

Ariane Jehanno

Dans cette atmosphère pleine de silence avec une sensation de dévotion autour de moi. Une inconnue est venue, s ´assoit près de moi sous le grand chêne et soudain une clarté particulière envahit le lieu. J’ai eu l’impression d’être comme dans un nuage près de ma mère si tôt disparue et de sentir sa main dans la mienne. Puis l’inconnue disparut sans un mot en emportant cette image et sa magnifique sensation d’éternité.

Sixième photographie

Yves Ughes

il faut maintenant aller vers la dilatation du monde

la contraction des arbres

par-delà se devine

la vie des artères

et les tarifs du bitume

          seront autant de griffures faites

                        sur le corps de l’innocence

Karol Padey

J’ai beaucoup lutté pour ne plus y penser, des années durant et puis un jour sur le chemin mes pas se sont allégés, parfois même je ne touchais plus terre. La tête remplie de ta joie et le cœur riant à pleines dents, tout s’est baigné d’une enveloppante lumière comme un rempart à la noirceur. Je n’ai plus peur du silence je sais que c’est à cet endroit que tu me rejoins.

Septième photographie

Yves Ughes

là où les soutènements sont

des palmes

un regard levé

placé dans l’instabilité des anges

dans l’effondrements heureux

ce regard souligne

ce qui paraît être

par en dessous

une contracture

Patricia Rahier

Sous ces oliviers et cette atmosphère champêtre, j’ai ressenti, entendu comme un appel et j’ai découvert cette gravure qui m’est apparue tel un miroir.

Cette œuvre d’art m’a interpellée et envoûtée à la fois !

Elle était devenue prisonnière du temps et cachait en elle un secret rempli de désespoir!

Dans ce clair-obscur, les pèlerins venaient de toute part et se prosternaient devant elle en signe de reconnaissance et d’adoration.

Elle reflétait la rancœur et la blessure des hommes pour l’éternité et avec passion et quiétude, elle nous redonnait l’espoir pour l’éternité.

La Vierge Marie ! 

Huitième photographie

Yves Ughes

j’ai dans le crépuscule à l’instant

entrevu

le porteur de la mort

sur le chaos des innocents

son pas scandé par la nuit

dans le sommeil des arbres

        sa fatigue

        et sa dérobade

en disaient long

il nous faudra tenir la traversée

Jocelyne Tarral

Lieu bucolique, où chantent les cigales, entre ombre et lumière, dans son décor naturel et bien triste en regard de l’histoire. Une chapelle médiévale bordée d’arbres : oliviers millénaires et cyprès alignés comme une armée de militaires. Ils nous ramènent à la mort de ces pauvres innocents morts nés mais aussi aux prisonniers très amaigris.

À chacun son chemin de vie !

Neuvième photographie

Yves Ughes

passent ainsi dans le vin la saveur

calcaire du soleil l’ardeur du sol

râpé

dans le basculement des sens

s’ouvrent la fraîcheur des

tonnelles la promesse des

tonneaux

des corps nus se malaxent dans

la fusion des feuilles

posée sur les lèvres de la vigne ta

chair devient ronde

le désir s’offre aux galbes des 

jours

c’est par là que l’homme se

multiplie

tel un sarment

d’espérance

Marie-Christine Gay

Brise légère sur mes épaules nues

mains en forme 

de gratitude

dissimulées les cigales 

au creux de l’arbre

le murmure d’une évidence

cyprès dressés 

vers le firmament

des cascades coulent du ciel

fleurs sur la 

paille du pré

l’aube d’une sérénité

pierres aux pieds de la chaise

lave 

larmes

au pourtour de l’existence 

fil d’une toile d’araignée

en transparence de l’âme

sourire esquissé 

sur tes lèvres

voyage sur un voile d’espérance

Ariane et Jocelyne en écriture

Pour tous les participants, cette journée restera comme un grand souvenir d’inspiration et d’écriture partagée.

Je laisserai la conclusion à Gérard Bocholier :

« Toute écriture poétique n’est-elle pas exercice spirituel, dans la mesure où le travail de la langue est aussi travail sur soi-même […] Le poète sait qu’il doit s’effacer devant quelque chose – ou quelqu’un – de plus grand et de plus fort que lui ? »