




Poèmes à Maguelone: quelques lectrices, quelques lecteurs
Au centre œcuménique de Jacou
Mise en scène inspirée des lectures extraites des romans bibliques de Joëlle Randegger
Toujours à Jacou…
Au Carrousel, à Montpellier
Le plan de travail d’Yves Ughes
Les productions de l’atelier d’écriture
« Renaissance de Laurence et Olivier »
Un poème de Joëlle
Un texte de Janine
Un poème de Marion
Yves aussi a fait l’exercice!
Et Jean !
Et moi (Jacqueline) aussi…
« Hyelzas », pour Colette et Michel Brunet
Si vous aussi souhaitez contribuer, le mode d’emploi est donné et nous recevons vos poèmes.
Éric Chassefière a participé au Festival de poésie de la foi de Montpellier et alentours. Il a présenté son recueil « Le jardin est visage », le vendredi 21 mars à 17h. Voici le texte de son interview par Jacqueline Assaël.
Oui, je pense qu’on peut dire cela. Je n’analyse pas quand j’écris, je m’assieds et je me laisse pénétrer par le paysage en sorte que c’est le paysage qui finit par parler à travers moi. L’écriture est alors acte d’écoute plus que de parole. Et là, c’est peut-être en effet le jardin qui me parle, non seulement par sa voix, mais à travers tous les traits du visage qui s’en dessine dans le miroir de l’humain. Le jardin en quelque sorte se fait miroir, reflétant en l’enrichissant des mille couleurs de la mémoire le visage d’aujourd’hui, qui se fait visage de toute une vie. Une vie de jardin à jardin, car je suis né littéralement dans un jardin, celui du mas provençal de ma prime enfance enchanté de mistral, et m’installant à Frontignan, après une vie passée à Paris, un nouveau jardin, mais toujours habité du même mistral, qui lui prélude à l’accomplissement final. Le jardin qui clôt, et ouvre en même temps. Une redécouverte en quelque sorte.
C’est vrai qu’avec l’âge venant, et la santé étant heureusement toujours là, et par ailleurs ayant changé de monde, puisque la retraite arrivant je suis passé du monde de la recherche en sciences dures à celui de l’écriture poétique, je me trouve dans une nouvelle configuration, libéré des contraintes du quotidien professionnel, à me chercher un nouveau visage, celui de qui contemple la beauté. C’est ce visage-là dont je me sens responsable, ce visage reflétant la beauté qu’il contemple, celle de ce jardin notamment, mais pas uniquement, celle aussi des personnes qui m’entourent. Je suis clairement dans une quête de beauté et d’amour, c’est cette quête je crois, quête de soi-même et de l’autre à travers soi-même, qui constitue le fil conducteur de Le jardin est visage. Il y a bien me semble-t-il cette idée d’évolution que vous mentionnez. Une nouvelle jeunesse à rejoindre, dirais-je, en sorte d’accomplir une vie, en devenir la courbe, naître et mourir d’un même geste. Un but quelque peu idéal bien sûr, mais qui au moins constitue un guide dans cette dernière partie de ma vie.
Oui absolument, c’est ce que je viens de décrire. C’est une nouvelle amitié avec le monde que je voudrais savoir installer et cultiver. Une connaissance de soi ? Je ne sais pas trop. Ce n’est pas tellement à me connaître mieux que je voudrais employer mes forces, car peut-on jamais se connaître dans sa complexité, et d’ailleurs à quoi cela servirait-il, plutôt à infléchir mon rapport au monde dans le sens de plus de bonheur, plus de joie d’être au monde. Je crois en la beauté, et au pouvoir des mots pour en rehausser l’intensité, tout comme en voyage écrire des poèmes confère aux lieux visités une beauté qu’ils n’avaient pas naturellement. Cultiver les mots comme on cultive un jardin, pour que les fleurs en soient plus belles.
J’ai la religion de la beauté, c’est ce que j’essaie de toucher par l’écriture poétique. C’est dans ce sens peut-être que je suis « croyant », quelqu’un en effet qui contemple son visage originel dans un miroir – le jardin – et cherche à s’y fondre, faire Un en quelque sorte avec la Vie. Car la poésie, c’est la vie n’est-ce pas ? Et c’est bien la raison pour laquelle j’ai accepté votre invitation à ce festival, moi qui profondément ne crois pas en Dieu.
Le nombre de 50 est fortuit, lié à la contrainte des 32 pages au format A5 pour Encres Vives. Aucune intention donc.
Non, ce jardin est le nouveau jardin, pas celui de naissance, mais il est vrai que je tente ici, comme je l’ai dit, la fusion de ces deux jardins.
J’ai découvert ce film il y a longtemps, à sa sortie, et ne l’ai pas revu récemment. J’en garde plus des impressions que des souvenirs précis. Il a pour moi incarné la révélation du mystère de l’être, sur le fond de la musique de la Passion selon Saint-Jean de Jean-Sébastien Bach, une musique qui m’a toujours fait frémir. Pasolini aussi utilise la musique des passions de Bach, dans Accatone par exemple, une musique pour moi réellement cosmique, qui transcende le temps et l’espace. Les films de Tarkovski, et celui-ci en particulier, sont un miroir dans lequel on est susceptible de se découvrir soi-même, à la façon de ce jardin aux traits patiemment éclaircis qui constitue la trame de mon recueil. Beaucoup d’images fortes dans ce film, la présence du vent, comme cette vague de l’herbe d’été accompagnant vers le début le pas du médecin arrivant dans la propriété, ou de ces objets renversés sur la table du jardin, tandis qu’une main invisible – celle de l’ange ?- semblent venir effleurer la haie, la pénombre baignant la maison d’enfance, la carafe de lait renversée sur la table, dans la pénombre, blanc sur noir, le visage de l’enfant dans le miroir se muant en un autre, le visage aimé si je me souviens bien, cette façon de filmer, comme au ralenti, une façon peut-être de faire ressortir la profondeur de la mémoire ; quelquefois d’ailleurs les temps se rejoignent si je me souviens bien, la fille rencontre dans un jardin la mère qu’elle sera. Tout dans ce film est à la fois de l’ordre du souvenir et de la prémonition. On est comme hors du temps, on voit dans le miroir sa vie dans son entier. Et les poèmes d’Arseni Tarkovski, lus par son fils, renforcent encore le mystère.
Il y a bien dans ces poèmes l’idée d’une permanence, d’une nature s’auto-engendrant, dont je tente de traduire par la luxuriance des mots et leur répétition l’incessante métamorphose en elle-même. Je ne sais si cela répondra précisément à la question, mais cela me donne envie de vous lire un extrait de la chronique, intitulée : « Le jardin est visage, ou la rumeur du monde », consacrée à mon recueil sur le site de L’altérité par Hervé Rostagnat, où il est question de Dieu et du grand Tout :
« Dans « Le jardin est visage », tout est questionnement. La beauté du jardin est métaphore du cosmos, profond comme la fleur à moins que la fleur n’en soit la représentation microcosmique. Le jardin est corps. Il est yeux, mains, lèvres, peau, cœur, sang. Il est la beauté. Il est l’indicible. Et comment traduire l’indicible autrement qu’en cherchant Dieu ? Mais le Dieu d’Éric Chassefière est substance. Appartenir au monde en cette fusion c’est être le monde. Le jardin est nature. L’homme est nature. Nul artefact. Nulle production. Le jardin et l’homme sont substance au sens où ils ne sont le produit de rien, ils ne sont le produit d’aucune intervention extérieure puisqu’une substance est précisément ce qui est en soi et est conçu par soi. L’être est jardin. Le jardin est l’être. L’oiseau nait del’arbre et l’arbre de l’oiseau. Dieu est substance au sens où nul ne peut dire que Dieu est une création de l’univers ni que Dieu a créé l’univers. Dieu ne provient de rien.
Ainsi peut-on dire qu’il n’y a rien de transcendantal dans la poésie d’Éric Chassefière. Tout est immanence : « immanence de la source… immanence de ce chant… tout se cache en tout… tout vient s’y lire en tout ». Les 55 occurrences du mot « tout » suffisent à montrer, combien dans cet englobement, la nature s’engendre d’elle-même. Elle est incréée. L’Être n’est-il pas alors que dans cette contemplation ? Dans ce questionnement permanent, le poète considère : étymologiquement, il a le nez dans les étoiles. Il y a quelque chose de sidéral dans cette attention qui constitue une forme d’ontologie de l’homme, une sorte d’ontologie extrême au sens où il n’y a d’homme que s’il y a cette extrême attention. »
Je vous rejoins sur cette idée d’une spiritualité matérialiste. Je cherche par les mots à caresser, ma démarche est sensuelle, proche du corps et plus généralement de la substance. Le jardin est corps, le poème est corps. Corps que je fais corps de mots sur la page. Il s’agit bien de toucher par les mots, donner vie du geste de toucher, finalité ultime de celui d’écrire. En cela le geste d’écrire est pour moi fondateur. J’ai écrit, dans un entretien avec Clara Régy, qui date de quelques années :
« La poésie est avant tout pour moi un acte de vie. J’ai besoin d’écrire pour me sentir vivant, tisser un lien charnel avec le monde. Un désir d’appartenance, qu’on pourrait qualifier d’amoureux. J’ai longtemps écrit exclusivement dans la nature, l’été, sur le lieu d’enfance, submergé par le sentiment d’une beauté dépassant mon entendement, que par les mots je tentais d’atteindre et me réapproprier. Il y avait déjà ce plaisir sensuel à faire naitre les mots du corps, de sa vibration profonde, faire corps du poème, entendre et ressentir à travers lui. C’est ainsi qu’est né mon désir d’écrire, retrouver sous la caresse des mots l’enfance perdue, mon jardin d’Eden. »
Il y a donc bien une aspiration à retrouver un paradis perdu, vous avez vu juste, et peut-être ce recueil vient-il précisément concrétiser, voire accomplir, cette aspiration à retrouver une origine, à en faire le berceau d’une vie nouvelle, réunifiée, qui nous place en situation d’accueillir la mort, entrer dans ce jardin, « dont l’ange a refermé les portes sans retour », pour reprendre le final du poème de Bonnefoy placé en exergue.
Pour moi le jardin, c’est avant tout le chant du mistral dans le feuillage des platanes du jardin, au profond de mes nuits d’enfance, c’est en quelque sorte le berceau, le souffle dont je suis né. Donc oui, il est porteur d’une certaine sécurité, je m’y sens bien. Ce lieu est ouvert sur le monde, comme peut l’être l’enfance. À l’horizon du jardin d’enfance, il y a les montagnes des Baux de Provence d’un côté, celles de la Montagnette de l’autre, et je rêve alors souvent, aux portes du jardin s’ouvrant dans la haie, de franchir leurs lignes de crête. Oui, dans ce jardin d’enfance, je rêve d’avenir, il est ouvert sur le monde. En même temps, il y a cette roubine qui délimite la propriété en en faisant le tour, roubine qu’enfant je ne peux franchir en l’absence de pont, et le monde n’est ouvert qu’à mon regard. C’est par le regard que j’investis l’horizon, comme plus tard, revenant chaque été en ce lieu, je l’investirai par les mots, car mon pas sera devenu celui des mots. Lieu de paix, ce jardin d’enfance ? Pas vraiment, lieu chargé des souffrances familiales, dont précisément je m’évade enfant par le regard, puis, adolescent et adulte, par la poésie. Lieu d’envol, lieu du cri fondateur, dont toute ma vie je suivrai l’écho…
L’événement s’inscrit dans la programmation du Printemps des poètes, sous le lien suivant https://agenda.printempsdespoetes.com/?post_type=event&p=407957
Lors d’une récente étude biblique dans la paroisse de Marseille sud est, nous avons réfléchi au thème de l’amitié, pour savoir ce qu’il représentait chez les philosophes et dans la spiritualité du Nouveau Testament. Une phase de la réflexion s’est déroulée en petits groupes, autour d’une phrase du philosophe latin Sénèque :
– « Dans quel but te procures-tu un ami ? » – Pour avoir quelqu’un pour qui je puisse mourir, pour avoir quelqu’un que je suive en exil, à la mort de qui je m’oppose.
Même dans ce contexte, Frauke Baymann rétablit toujours le lien de sens avec les questions de la foi. Sa synthèse en atteste.
Notre petit groupe de trois était très hétérogène face l’extrait proposé.
« Dans quel but te procures-tu un ami ? » sonne comme
« Pourquoi tu t’achètes un smartphone ? », une provocation
du même style que celles qu’on peut entendre de nos
jours sur la foi.
Or, la réponse montre que la personne interrogée ne se
laisse pas déstabiliser par cette provocation mais
répond à la fois un brin provocatrice elle-même – « mourir,
s’exilier, perdre quelqu’un » ne semblent guerre enviables –, et à la
fois de façon profonde, en adressant des grandes
questions de la vie : la mort est un scandale, un non-
sens, mais si elle sert à faire vivre quelqu’un d’autre, un ami,
une amie, elle perd son absurdité. S’exiler, tout perdre,
être forcé d’aller vers un avenir incertain et inconnu est
dur mais si l’ami me précède, le chemin devient plus
léger; si je m’oppose à la mort de l’amie, j’œuvre contre
tout ce qui s’oppose à sa vie (la maladie, l’injustice, les
guerres. . .) et donne ainsi un sens à ma vie.
Le pasteur Jean Alexandre, est venu dans notre paroisse de Marseille sud-est nous présenter ses réflexions issues de son recueil « Dieu et son aide ».
Cet entretien s’est déroulé dans un climat de confiance amical et fraternel où chacun et chacune a pu ressentir et comprendre ce qu’est une Écriture pour un peuple : une histoire, un poème, un enseignement.
« Une écriture qui serait ta parole dès que tu la dirais et qui ferait de toi un diseur de Dieu ».
Car ce qui, d’une écriture, fait une parole, c’est le fait de la dire.
En effet, dire Dieu c’est résister, dire non, faire autrement ; c’est le Dieu de l’agir pour pouvoir proclamer :
« J’ai foi en Dieu et je m’engage à le servir ».
L’agir qui te donne force dans ta cellule, clarté devant tes juges, courage devant la mort. Rigueur et vigueur dans le combat pour la justice. La foi consiste plus en un faire qu’en un savoir, en quelque sorte faire du bien à Dieu !
Avec la lecture de la Bible ou son écoute, s’offre une occasion de rencontre :
« J’ai foi en Dieu et Dieu a foi en moi ».
Ainsi une Parole d’hier évolue en une Parole d’aujourd’hui. Les écritures demandent à être lues à long terme en tant que pratique constitutive de notre personnalité, en devenant le nerf de notre mode d’être dans notre monde si mobile.
À la question : Comment dire Dieu, comment dire sa foi ? Il est possible de répondre que la force que porte le Dire de Dieu se nomme « Amour ».
« Tout parleur de Dieu est comme un surfeur, porté dans un filet par ce Souffle, sur la vague immense de Dieu, vers l’inconnu »…
Simon-Pierre Valli s’intéresse à la fois à la Bible, aux langues anciennes et à la poésie. Il nous propose la traduction d’un extrait d’un poète de langue latine, Juvencus, aristocrate d’Hispanie, très probablement premier converti de sa famille, puis prêtre au IVème siècle, auteur de la première célébration poétique de la doctrine du Salut en Jésus-Christ, sous forme de paraphrase des Évangiles. Cette œuvre de plus de 3000 vers s’intitule: Livres des Évangiles; elle date de l’an 325 environ; son auteur s’inspire principalement de l’Évangile de Matthieu.
Le passage constitue une réécriture de l’épisode biblique des Noces de Cana. Simon-Pierre Valli en apprécie le style sobrement virgilien. Il nous introduit dans une grande tradition poétique, puisque Juvencus aura lui-même une grande influence sur Pétrarque.
Cette entreprise de réécriture initiée en l’occurrence par Juvencus, puis la traduction établie par Simon-Pierre Valli constituent en quelque sorte la création d’un relais dans la transmission d’une méditation chrétienne, sous le signe de la beauté poétique. Il n’est qu’à voir les métaphores employées pour désigner le vin, et le souffle qu’elles insufflent à l’évocation de la puissance qui se manifeste à travers le geste du Christ: « écume », « effluve »… Le vocabulaire suggère la force et le mystère spirituel. La traduction versifiée, artiste, à la fois fidèle et libre, s’autorise quelques écarts justifiés en note.
Cette émission a été enregistrée le 6 octobre, lors du passage des éditions Jas sauvages à Nîmes. Merci à Radio Alliance Plus de proposer des formats d’émission qui permettent un approfondissement des sujets et à la journaliste Christiane Hervaud pour son professionnalisme et son amour de la poésie!
Pour écouter l’émission, cliquer ici, puis sur la petite flèche, en bas à droite, et à nouveau sur la petite flèche sur le bandeau en bas de page.