– « Devenez poètes de la parole », à la Frat’ de Nîmes, par Laure Gareil

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Temps d’échange informel, autour des tablées, à propos de deux questions :

Le départ de l’échange d’une des tablées installées au Temple de la Fraternité était l’incompréhension et l’insensibilité que certains lecteurs peuvent éprouver face à la poésie.

Comment lire les Psaumes lorsqu’on est hermétique à leur dimension poétique ?

Peut-être que la poésie existe, en dehors de la lecture ou de la compréhension que nous pouvons en avoir : elle parle de choses très concrètes (chemin, montagne, champs…) qui peuvent avoir une dimension symbolique qui ne s’impose pas à certains lecteurs mais qui existe malgré tout.

Peut-être alors que la poésie échappe alors simplement à certains lecteurs ?

Malgré tout, certains peuvent être sensibles à la poésie en tant qu’agencement inattendus de mots et de réalités qui créent une dimension, un paysage, des possibles qui n’étaient simplement pas envisageables à certains lecteurs si un texte poétique n’avait pas été écrit.

Pour aborder le sujet de la traduction poétique de la foi, certains lecteurs de la Bible ont été marqués par une image récurrente, comme celle de la lumière qui guide et revigore, d’autres par un livre en particulier, comme celui des Psaumes qui délivrent une sagesse de vie ou comme les cantiques qui peuvent toucher par leur dimension musicale, d’autres sont accompagnés par des textes précis qui synthétisent de manière imagée et puissante leur vision du monde, comme : « Nous savons que jusqu’à ce jour toute la Création ensemble soupire et est en travail jusqu’à maintenant » (Romains, 8, 22)

La forme poétique est peut-être celle qui permet le mieux d’exprimer une forme de foi ou de présence divine ?

La forme poétique est aussi diverse à travers le texte de la Bible : elle n’est pas la même dans les cantiques, les psaumes, les proverbes, les paraboles… comme si la variété des formes pouvait correspondre à une variété d’expression de la foi en Dieu ou de sa manifestation aux hommes, comme si elle pouvait permettre aux hommes de mieux retenir la parole divine.

C’est peut-être grâce à cette mise en forme poétique, dont une partie de l’authenticité nous échappe du fait que le texte nous est accessible sous la forme d’une traduction, que nous pouvons si bien nous souvenir de certains passages.

Ainsi, l’un des convives de la tablée se souvenait clairement de deux passages et de deux paroles du nouveau testament. Tout d’abord lorsque Jésus est abandonné par les disciples, au seuil de la nuit sur le Mont des Oliviers, seul Pierre l’assure de sa présence en lui disant : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle ? » (Jean 6, 60-69), propos qui témoigne du soutien de Pierre envers Jésus mais aussi de la force que Jésus incarne. Ensuite la première parole que Marie Madeleine prononce quand elle reconnaît Jésus après sa résurrection : « Rabbouni ! » (Jean, 20, 13-18) qui illustre toute la tendresse et la reconnaissance de l’autorité de cette femme qui s’en remet entièrement à Jésus.

La poésie est-elle alors autant un moyen de dire la foi que de la transmettre à tous ceux qui la retiennent ?

Intervention de Jacqueline Assaël au cours du culte :

– Jacqueline Assaël a esquissé son parcours de vie : elle a vécu les deux tiers de sa vie en dehors de la foi et un tiers de sa vie dans la foi : « Et ça change tout, d’avoir la foi ! » Elle vit la foi comme une assurance, une confiance, une sécurité qu’elle ne connaissait pas avant. La foi lui permet de trouver un sens à la vie, sens qui lui manquait, auparavant. Vivre sans la foi plonge les individus dans une angoisse dont ils ne sont pas pleinement conscients mais qui est bien présente.

– Jacqueline Assaël explique l’interprétation qu’elle donne du « Devenez poètes de la parole » de l’épître de Jacques. « Poète » est à prendre dans le sens étymologique du mot dont il provient : « poète » signifie « créateur » en grec ancien. L’expression « poètes de la parole » signifie à la fois « créateurs de la parole de Dieu » par le fait même que chacun s’empare de la parole de Dieu et la rend vivante en soi et « créateur de la parole de foi » par le fait que chacun peut créer, écrire une parole qui témoigne de sa foi.

– Jacqueline Assaël pense que le travail d’écriture poétique au sein de l’Eglise protestante est essentiel pour permettre à certains, qui vivent dans la foi, d’exprimer leur relation à Dieu et à d’autres, qui sont en recherche de foi, de lire des témoignages personnels. En effet, un athée a constitué un système de pensée cohérent, qui lui correspond. Si un individu lui présente un système de pensée dont les fondements sont théologiques, l’athée s’en détournera parce que ce nouveau système de pensée ne lui correspondra pas du tout et qu’il n’y trouvera pas de sens. Alors que si un athée lit un poème qui témoigne de la foi en Dieu d’un individu, il sera avide de comprendre comment cette foi peut exister, comment elle peut aider quelqu’un à vivre, comment elle peut s’exprimer.

– Depuis qu’elle est à la retraite, elle a développé une activité d’édition de textes poétiques écrits par des paroissiens et des pasteurs qui disent leur foi, leur difficulté à nouer un lien avec Dieu, leur désarroi dans certaines épreuves à travers des textes poétiques. En effet, Jacqueline Assaël pense que la poésie est essentielle pour faire rayonner la foi à l’extérieur de l’Eglise. Son travail d’édition permet de transmettre cette foi vivante, qui s’exprime dans une poésie contemporaine, libre de toute contrainte formelle.

– Jacqueline Assaël donne quelques exemples de questions soulevées par les auteurs de certains des recueils poétiques qu’elle publie : comment continuer à vivre une relation d’amitié avec quelqu’un qui s’enferme dans un mutisme pathologique ? Comment exprimer et vivre le deuil après avoir perdu sa mère ? Comment nouer un contact avec Dieu, lorsque cela paraît difficile et fugace ?…