Depuis longtemps, Alain Piolot lit mes recueils de poésie (et moi les siens), avec beaucoup d’empathie. Il s’en approche et y entre peu à peu, puis il m’écrit ses impressions.
Il a une manière bien particulière de procéder : il reprend des mots et des expressions et il cherche en quelque sorte à les identifier et à les traduire, pour clarifier ce qu’ils peuvent représenter pour lui.
Il a effectué cette démarche à propos de mon dernier recueil, Nouaison, paru il y a peu dans la collection « Prièmes », et il est intéressant de le suivre dans sa lecture, car il nous livre en quelque sorte une méthode d’approche de la poésie, qui est apprentissage d’humanité, partage d’émotions, de paysages, de pensées et d’expériences de vie.
Ci-dessous, on pourra lire des extraits d’une espèce de dialogue entre des textes et un lecteur particulièrement attentif.
Jacqueline Assaël
Premier poème du recueil Nouaison :
Alain Piolot :
Et Nouaison ? Dans votre avant-propos, vous écrivez, « Nouaison apporte la suite d’un recueil précédent, intitulé Frère de silence, qui n’avait pas encore trouvé sa vraie fin. » Pour vous, c’est fait, avec Nouaison.
J’ai relu la fin de Frère de silence :
Clôturant le silence
Une Parole surgira
et les deux superbes dernières lignes :
Comme un diamant
Justifié de douleur
Douleur, donc grâce ?
Dans Nouaison, ah ! les jonquilles ! Quel contraste avec la fin du recueil précédent :
Elle arrivait
Dorée de liberté
Vous êtes chez vous.
Au feuillage des cerfs
Humecté d’hématite
Le silence est là, dans les grottes et la paix « d’artiste » aussi. Une forme de sérénité aussi, avec le « dénouement du temps ».
« Les brumes du Mézenc », « les infimes saxifrages »… hymne à la Nature et donc, pour vous, à Dieu. Terre, terroir, éternité… présence divine.
Et cette légèreté : « Elle montait en osmose », « les orgues basaltiques ». Et à la Croix-de-Peccata : « libertés acquises et quiétudes apaisées ». Oui, Frère de silence n’avait pas trouvé sa vraie fin. Mais sans lui, Nouaison n’aurait pas vu le jour…
La lumière, la vie, connaître, reconnaître… Les lieux familiers apportent toujours quelque chose de nouveau.
Parfois elle se repaissait de plaques
D’orchis pâles
Inventant
Des reliefs de jonquilles
Une forme d’allégresse intérieure.
Elle emprunta
La voie des récidives
Des murmures d’oiseaux
« Il » n’est plus là. Il ‘est pas loin. Heureux de cette liberté qui est en elle.
Le temps nous élargit
Dit-elle
Comme l’espace des souvenirs
L’émotion est là, palpable.
Et à Mazet-Saint-Voy… quel beau voyage : « Légère / Et presque désinvolte », … « les grillons », « la soie des lilas ». Être en paix avec soi-même ?
p. 24 :
Entre Ascension et Pentecôte
Le Plateau embellit
La nouaison de ses jonquilles
« Il » est là. N’y a-t-il pas de l’affection, de la tendresse, si je peux dire, entre Nouage et Nouaison ?
p. 33 : On revient à une belle simplicité :
Dehors
Le soir brillait
De ses feux d’herbe humide
Et là :
Un souvenir de joie
Au-delà de ses larmes
Pour ne pas sombrer
Pour ne pas assombrir…
Frère de silence n’est pas loin.
Retour à la beauté, retour à Chaudeyrolles et ces fleurs intimes :
Quand l’ordalie des jonquilles
Superposa sa poudre d’or
À l’infini des champs d’étoiles
(superbe)
On revient à Dieu (pour un apaisement ?).
Et puis Isaac : « Le cœur en ligature » et curieusement des mots anglais : « hold up » et puis « again » pour la vallée de l’Eyrieux. Mais, bon !, ce ne sont pas des anglicismes…
Les jonquilles, encore et toujours. Les saxifrages reviennent, et la proximité de Dieu.
Belle conclusion :
Elle appartint à la terre
Et au néant
Dénouement du temps.
Et comme vous aimez tant ce paysage qui vous est familier, alors Dieu est proche :
Entre les doigts de Dieu
Je suis à ma deuxième feuille. Nouaison.
L’Essai dans un prochain courrier de novembre…
Dernier poème du recueil Nouaison :