Gérard Scripiec, auteur de Il existe une faim, recueil de poèmes paru aux Éditions Jas sauvages en 2022 nous confié une nouvelle série de textes à propos desquels nous avons engagé un nouveau dialogue. Vous trouverez ci-dessous un de ses nouveaux poèmes et la troisième partie de ce nouvel entretien.
Photographie: Jacqueline Assaël
Jacqueline Assaël : Je suis contente que dans votre réponse précédente vous ayez mis l’accent sur l’association que vous faites souvent entre la beauté et la poésie. Lors de la rencontre au cours de laquelle vous aviez été invité à présenter votre œuvre, en avril dernier, à la médiathèque de Sainte-Foy-La-Grande, vous déclariez modestement vouloir offrir quelque chose de « joli » à travers vos poèmes. Je pense que les deux notions : le beau et le joli peuvent effectivement être mises en relation avec votre processus d’écriture. Le joli, parce que vos textes intègrent des images de charmants petits éléments du réel, fleurs, animaux, etc. Mais ce procédé n’a rien de mièvre car l’ampleur du souffle poétique dans lequel vous saisissez et portez ces évocations vous fait atteindre la beauté. Cette beauté m’apparaît comme celle d’un vaste et puissant projet pour le monde qui consiste à sauver, au moins par l’attention que le poète leur donne, cet aspect de la création. Chez les artistes, le beau est souvent bizarre, sinon toujours, comme l’affirme Baudelaire. Pour votre part, vous trouvez la beauté dans les formes les plus simples de la nature. Pourriez-vous expliquer davantage comment et pourquoi cette esthétique vous paraît essentielle pour préserver la vraie consistance de la vie et quel espoir vous placez en elle, au moment où le monde semble prêt à piétiner toute forme de beauté ?
Gérard Scripiec : Au Psaume 131 il est écrit: “Mon coeur est sans prétention, mes yeux n’ont pas visé trop haut.” Je pourrai paraphraser le psaume et dire: ma poésie est sans prétention elle ne vise pas trop haut. Elle veut juste porter en elle une parole qui soit belle au cœur de ces discours qui sont violents de multiples violences. Recueillir encore la beauté (“retenir un peu de la beauté”). Bien sûr il s’agit de celle de la nature autour de nous, maltraitée, fragile. Et regardant la nature, non pas faire discours mais faire poésie pour dire les mots des fleurs et des oiseaux. Mais ce qui est en jeu aussi dans le monde où je vis c’est la vie des plus fragiles, c’est l’injustice qui frappe les plus faibles, c’est l’homme blessé au bord du chemin. Toujours mon poème va vers elles, vers eux. Les paroles violentes, orgueilleuses du monde sont sans pitié pour les plus petits, notamment pour les enfants. Le monde qu’elles portent n’est pas pour eux. Voilà tout cela n’est pas “joli”; ou alors si en lisant nous le pensons, que ce “joli”, qui est risible, soit pour nous le précieux qui nous fait vivre encore. Ou on le reçoit, ou on referme le livre doucement. Reste le “souffle poétique” ce désir plus fort que soi d’écrire. Ce désir plus fort que soi de transmettre l’émotion que nous ressentons. Ce désir plus fort que soi de trouver les mots et de les ajuster, de les mettre en valeur. Reste le “souffle poétique” qui nous invite à rechercher humblement la présence de Dieu lorsqu’il fait signe dans la prière, dans le silence, sur les visages courageux et simples. Reste le “souffle poétique” comme un appel à aller de l’avant pour comprendre un peu plus encore et recevoir un peu plus encore le Christ.
Parole qui nous fait vivre. J’avais en moi, cette parole enfouie, elle revient aujourd’hui. Voilà c’est tout, et c’est tout simple.