LA PSALMO-THERAPIE
LE PSAUME 139
Étude littéraire
Ce psaume m’a toujours accompagné sur mon chemin spirituel, et plusieurs fois dans ma vie des paroles m’ont été données, tirées de ce psaume, en particulier dans des moments difficiles. Il a été une vraie thérapie spirituelle et je le considère, avec Robert Michaud, Alphonse Maillot ou André Lelièvre, comme le plus beau du Psautier. Il appartient à une collection (Ps138 à 145) dédiée au roi David.
Seigneur, tu me connais parfaitement
1 Du chef de chœur. De David. Psaume.
Seigneur, tu m’as examiné à fond, tu me connais ;
2 toi, tu sais quand je m’assieds et quand je me lève,
tu comprends de loin ma pensée ;
3 tu sais quand je marche et quand je me couche,
et tu pénètres toutes mes voies.
4 Car la parole n’est pas sur ma langue
que déjà, Seigneur, tu la connais entièrement.
5 Par-derrière et par-devant, tu m’assièges
et tu mets ta main sur moi.
6 Cette connaissance étonnante me dépasse,
elle est trop élevée pour que je puisse la saisir.
7 Où pourrais-je aller pour échapper à ton souffle,
où pourrais-je fuir pour t’échapper ?
8 Si je monte au ciel, tu y es ;
si je me couche au séjour des morts, tu es encore là.
9 Si je prends les ailes de l’aurore
pour aller demeurer au-delà de la mer,
10là aussi ta main me conduira,
ta main droite me saisira.
11 Si je dis : Au moins les ténèbres me submergeront,
la nuit devient lumière autour de moi ;
12 même les ténèbres ne sont pas ténébreuses pour toi,
la nuit s’illumine comme le jour,
et les ténèbres comme la lumière.
13 C’est toi qui as produit les profondeurs de mon être,
qui m’as tenu caché dans le ventre de ma mère.
14 Je te célèbre, car j’ai été fait de façon merveilleuse.
Tes œuvres sont étonnantes,
je le sais bien.
15 Mon corps ne t’était pas caché
lorsque j’ai été fait en secret,
tissé dans les profondeurs de la terre.
16 Quand je n’étais qu’une masse informe, tes yeux me voyaient ;
et sur ton livre étaient tous inscrits
les jours qui furent façonnés,
avant qu’aucun d’eux n’existe.
17 Que tes pensées, ô Dieu, me semblent impénétrables !
Que la somme en est grande !
18 Si je les compte,
elles sont plus nombreuses que les grains de sable…
Je m’éveille, et je suis encore avec toi.
19 O Dieu, si seulement tu faisais mourir le méchant !
Hommes sanguinaires, écartez-vous de moi !
20 Ils parlent de toi selon leur astuce,
ils t’invoquent pour tromper, eux, tes adversaires !
21 Seigneur, comment ne détesterais-je pas ceux qui te détestent,
comment n’aurais-je pas du dégoût pour ceux qui se dressent contre toi ?
22Je les déteste totalement ;
ils sont pour moi des ennemis.
23 Examine-moi à fond, ô Dieu, et connais mon cœur !
Sonde-moi, et connais mes préoccupations !
24 Regarde si je suis sur une voie mauvaise,
et conduis-moi sur la voie de toujours !
Traduction de la nouvelle Bible Segond © Société biblique française-Bibli’O, 2002
Première édition de la Bible d’étude : sous la direction de Henri Blocher, Jean-Claude Dubs†, Mario Echtler†, Jean-Claude Verrecchia, coordination Didier Fougeras.
D’après Antoine Nouis, ce psaume commence par « la belle assurance de l’omniscience de DIEU », son omniprésence et sa toute-puissance puis suite à la louange, le psalmiste découvre une haine au fond de lui (V21) : il est alors pris de doutes et se fait plus humble et même suppliant.
Souvent les psaumes vont de la détresse à l’assurance, celui-là est à l’inverse. À tel point que certains théologiens ont pensé qu’il s’agissait de 2 psaumes différents.
Première Partie : l’omniscience de Dieu (versets 1-6)
La connaissance que Dieu a de l’homme est totale, cette totalité s’exprime au moyen d’oppositions et d’une anaphore « tu sais » : rien ne t’échappe.
Dieu nous connaît :
- Tout d’abord au niveau physique :
V2 toi tu sais, « je m’assieds et quand je me lève »
V3 tu sais « quand je marche et quand je me couche, »
V5 « Par-derrière et par-devant, tu m’assièges »
- Puis Dieu nous connaît au niveau psychologique :
V2 « tu comprends de loin ma pensée »
V3 « tu pénètres toutes mes voies. »
V4 « Car la parole n’est pas sur ma langue que déjà, Seigneur, tu la connais entièrement. »
- D’autres expressions montrent la transcendance de la connaissance de Dieu :
V2 « tu comprends de loin ma pensée ; »
V5 « tu mets ta main sur moi. » au présent
V6 « Cette connaissance étonnante me dépasse, elle est trop élevée pour que je puisse la saisir. »
Dieu n’a aucune limite temporelle ou spatiale, il est toujours près de chacun. Il n’a pas le regard d’un surveillant, mais d’un père céleste qui est au côté de son enfant dans la vérité de sa personne, et dans tous les actes les plus humbles et les plus banals de sa vie et à plus forte raison ses manquements. Dieu connaît tout de ses blessures et de ses désirs.
Deuxième partie : l’omniprésence de Dieu (verset 7-12)
Il est impossible d’échapper à Dieu : V7 « où pourrais-je fuir pour t’échapper ? »
Trois anthropomorphismes (souffle, main, main droite) le démontrent dans les versets 7 et 10:
V7 « Où pourrais-je aller pour échapper à ton souffle, »
V10 « là aussi ta main me conduira, ta main droite me saisira. »
Il est impossible d’échapper à Dieu où que l’on soit au niveau vertical :
V8 « Si je monte au ciel, tu y es ; si je me couche au séjour des morts, tu es encore là. »
Au niveau horizontal, les ailes de l’aurore sont une image poétique qui évoque l’orient et l’au-delà des mers évoque l’occident[1]
V9 « Si je prends les ailes de l’aurore pour aller demeurer au-delà de la mer, »
Le psalmiste dit qu’il voit les ténèbres le submerger, mais l’omniprésence de Dieu traverse et apporte sa lumière. V11 « Si je dis : Au moins les ténèbres me submergeront, la nuit devient lumièreautour de moi ; »
V12 « même les ténèbres ne sont pas ténébreuses pour toi, la nuit s’illumine comme le jour, et les ténèbres comme la lumière. »
(Répétition qui renforce le point de vue)
L’utilisation d’une figure de style comme cet oxymore vise à renforcer l’étonnement de cette présence de Dieu. Cette omniprésence de Dieu pourrait faire peur mais cil s’agit d’une bonne nouvelle, car il n’est pas de lieu ou l’on ne puisse saisir la main que le Seigneur ne cesse de tendre. Dieu est présent même au séjour des morts, on peut voir une analogie avec la mort et la résurrection du premier-né d’entre les morts. Le chapitre se termine par une espérance même si l’on est plongée dans les ténèbres, Dieu est encore là et l’on reste toujours sous son regard lumineux.
Troisième partie : la création de l’homme (versets 13-18)
La strophe se divise en 2 parties
- Les versets 13-15 est un cri d’admiration devant le chef d’œuvre de la création ;
Le psalmiste découvre que Dieu était présent dès sa conception dans le ventre de sa mère.
V13 « C’est toi qui as produit les profondeurs de mon être, qui m’as tenu caché dans le ventre de ma mère. »
Puis il découvre qu’il est aimé de Dieu et qu’il est une créature merveilleuse tel qu’il est.
V14 « Je te célèbre, car j’ai été fait de façon merveilleuse. Tes œuvres sont étonnantes, je le sais bien. »
Les enfants sont conçus dans le secret du lit conjugal et c’est dans le secret que s’établit notre relation à Dieu
V15 « Mon corps ne t’était pas caché lorsque j’ai été fait en secret, tissé dans les profondeurs de la terre. »
La conception mythique de la terre-mère établit un parallèle avec le sein maternel.
- Les versets 16-18 : Représente la merveille de la création de l’homme.
Ces versets évoquent la pleine connaissance que Dieu a de l’homme, merveille de la création, aussi bien avant sa conception que dans le déroulement de ses jours.
V16 « Quand je n’étais qu’une masse informe, tes yeux me voyaient ; et sur ton livre étaient tous inscrits les jours qui furent façonnés, avant qu’aucun d’eux n’existe. »
L’homme est à la fois pleinement libre et totalement entre les mains de Dieu
Dieu connaît absolument tout de nous, en revanche il reste pour nous une énigme. (V17-18)
V17 « Que tes pensées, ô Dieu, me semblent impénétrables ! Que la somme en est grande ! » V 18 « Si je les compte, elles sont plus nombreuses que les grains de sable… »
Vouloir sonder le mystère de Dieu est une épopée impossible : une seule certitude à la fin du V18 : « quand je m’éveille, je suis encore avec toi »
Cette contradiction entre la liberté totale de l’être humain et le fait d’être totalement entre les mains de Dieu donne encore plus la certitude de l’impénétrabilité des pensées de Dieu. Plusieurs interprétations de ce chapitre nous mettent devant le mystère de la révélation progressive de Dieu aux hommes.
Quatrième partie : le jugement divin (Versets 19-24)
La dernière strophe est remplie de violence et elle se divise en deux sections
1/Versets 19-22 : Malheur pour le méchant.
Après l’émerveillement de la présence de Dieu dans son histoire, le psalmiste se trouve confronté à la présence du méchant et il demande à Dieu sa mort au V19 « Ô Dieu, si seulement tu faisais mourir le méchant ! Hommes sanguinaires, écartez-vous de moi ! »
Le méchant est un homme qui trompe Dieu : V20 « Ils parlent de toi selon leur astuce, ils t’invoquent pour tromper, eux, tes adversaires ! »
Ce passage fait penser à cette phrase de l’Exode20,7 :
« Tu n’invoqueras pas le nom du Seigneur, ton Dieu, pour tromper : le seigneur ne tiendra pas pour innocent celui qui invoquera son nom pour le tromper »
Au verset 21 et 22 l’orant ressent une haine implacable pour les ennemis de Dieu. La répétition à quatre reprises des mots « détester », « dégoût pour l’ennemi » montre l’intensité de cette haine :
V21 « Seigneur, comment ne détesterais-je pas ceux qui te détestent, comment n’aurais-je pas du dégoût pour ceux qui se dressent contre toi ? »
V22 « Je les déteste totalement ; ils sont pour moi des ennemis. »
Après s’être laissé habiter par la présence du Seigneur, le psalmiste découvre cette haine au fond de lui, ce qui le rend plus modeste et suppliant.
2/Versets 23-24 le bonheur pour l’orant.
Après la découverte de ses ténèbres le psalmiste demande à Dieu avec insistance au verset V23
« Examine-moi à fond, ô Dieu, et connais mon cœur ! Sonde-moi, et connais mes préoccupations ! »
Et au verset V24, il le prie de le conduire et de le guider sur le bon chemin
« Regarde si je suis sur une voie mauvaise, et conduis-moi sur la voie de toujours ! »
Ces derniers versets exprimés avec des mots simples sont d’une beauté et d’une justesse qui me touchent. Dans l’ensemble de ce psaume prodigieux, j’aime cette découverte progressive que tout homme fait dans sa vie. Tout d’abord, les merveilles de la création et de l’homme et ensuite, sur le chemin spirituel, les zones de ténèbres qui font parfois peur. Dieu s’intéresse à chacun d’entre nous, veille sur nous, et il connaît chacune de nos pensées. S’il connaît nos pensées, Lui, a les siennes ; et elles nous sont précieuses !
Je terminerai sur cette question : sommes-nous vraiment imprégnés dans le fond de notre cœur de ces grandes vérités ? Et un souhait : Laissons-nous conduire et instruire par l’expérience de ce psalmiste anonyme pour guérir nos blessures et mettre notre vie dans les mains de Dieu et utilisons le psaume 139 comme un puissant remède de guérison intérieure : psalmo-thérapie.
Références bibliographiques :
Robert Michaud, Les psaumes, éditions Paulines.
Alphonse Maillot et André Lelièvre, Les psaumes, Genève, Labor et Fides.
Antoine Nouis, La Bible commentaire intégral verset par verset : 3 les livres poétiques, Olivétan/Salvator.